1. Branle-toi, ma belle (1)


    Datte: 27/03/2020, Catégories: Erotique,

    On s’était donné rendez-vous devant la Galerie Saint-Hubert. Je ne savais pas grand chose de lui sinon qu’il était plus âgé. Il signait ses mails toujours A. Je ne savais même pas son prénom. J’aimais seulement sa voix au téléphone, son vouvoiement sirupeux qui me promettait des tortures dont je ne pouvais pas encore saisir l’intensité tout en maniant le verbe comme s’il s’adressait à une reine. J’avais rapidement accepté de le rencontrer. On s’était installé à la terrasse d’un café et il avait commandé des gin tonic. Avec le recul, c’était ce qui correspondait le mieux à la lourdeur du temps au bord de l’orage. Il me parlait du plaisir, avançant peu à peu ses pions dans mon esprit comme sur mon corps (j’avais rapidement sentie sa main se poser sur ma cuisse nue). Je l’écoutais avec une admiration qui me semble aujourd’hui injustifiée. Je n’aurai bientôt plus aucune prise sur l’attraction irrésistible du bruit des glaçons tombant dans un verre. Alors j’écouterai, avec la cadence d’un flash info à la radio, le bruit du bouchon que l’on défait, suivi de celui du liquide qui recouvre les glaçons puis les fait flotter. Je serai fascinée par ma propre capacité à ne plus penser, à se laisser à lui, à ne rien ressentir. Au fil de nos rencontres, il fera mine de ne pas voir mon visage aux muscles à demi-défait ; il aimera trop la facilité avec laquelle j’existerai vers lui et me ferai à ses jeux. Mais, cher lecteur, gardez en tête que je ne savais rien de tout cela alors. Je me ...
    ... trouvais avec cet homme faisant preuve tout à la fois la délicatesse d’un père et d’un amant. On ne parlait pas seulement de petites morts. Je lui parlais de mes études. Il me parlait de sa jeunesse. On partageait nos impressions de lecture sur Gary. J’avais 18 ans et je peux vous assurer que tout cela avait le goût du bonheur. Il me disait que j’étais belle, qu’il aimerait m’apprendre l’amour au sens d’une chose qui se fait. Il me demanda jusqu’où j’étais prête à aller, si j’avais réfléchi aux propositions qu’il m’a faites par téléphone. J’étais timide. Certains mots n’étaient encore jamais sorti de ma bouche. Et une chose n’y était jamais rentré. J’essayais de ne pas montrer l’ampleur de ma naïveté. Il se rendait compte de mon inexpérience mais ne disait rien à ce propos. Quand le vent se leva et quelques gouttes commencèrent à tomber, il me toucha simplement la hanche et me dit qu’il allait payer l’addition. Je dis : D’accord, merci. Je baissai les yeux. Je saisis mon sac qui était avachi sur la dalle de béton. Je me levai. Je lissai ma robe. Je regardais les alentours en l’attendant. Je me demandais pourquoi je n’étais jamais encore venu sur cette petite place pourtant à quelques minutes à pied de mon appartement. J’avais envie d’inviter B. chez moi. J’avais envie de connaître autre chose que les mains inexpérimentées de quelques garçons rencontrés à la fac. Il revint et me dit : Tu as décidé ce que tu voulais faire maintenant ?. Je le regardais. Je souriais. Je restais ...
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