1. Rêves et Bifurcations


    Datte: 12/08/2018, Catégories: nonéro, sf,

    ... là ! Moi qui pensais manger des frites… En quelques coups de fourchette, elle picora une demi-douzaine de raviolis qu’elle mâcha avec le sérieux d’une avocate fiscaliste. — Pas grave, j’ai vachement faim ! Ce qui est logique, vu que je suis censée n’avoir rien avalé depuis dix jours… Voilà qui nous promettait du sport ! En tout cas, Eva n’avait rien perdu de son humour. Un signe plutôt encourageant. — Et toi, Alain ? Tu trouves pas que ça tombe plutôt bien, d’être à la tête d’un véritable supermarché en pleine apocalypse ? Je parie qu’il n’y a que des trucs que tu aimes dans ces rayonnages. Toi au moins, tu t’es inventé un abri nucléaire tout confort ! Pas comme moi…— Bon, et si on arrêtait de jouer au plus malin ? Eva me fixa avec une gravité soudaine. — Allez, raconte-moi plutôt ce qui s’est passé pendant que tu étais dans les vapes. On gagnera du temps…— Ok. À condition que tu promettes de ne pas m’interrompre ! Je répondrais à tes questions après, si je peux. C’est ainsi qu’Eva débuta son histoire. Un récit d’une cohérence surprenante, qui me plongea malgré moi dans un abîme de perplexité. Comment allais-je pouvoir contrer « ça » ? ooOOoo Il était une fois un gratte-papier travaillant au quai d’Orsay, un certain Alain Durieux. Cet homme ordinaire vivait avec sa tendre épouse et leur petite puce de cinq ans dans un modeste pavillon de banlieue, certes agrémenté d’un beau jardin mais ne possédant pas l’ombre d’un abri antiatomique. Tous les matins Durieux quittait son ...
    ... domicile à 7 h 24 pour rejoindre la gare SNCF de Sucy-en-Brie, puis prenait le RER À en direction de Paris-centre, RER qui le débarquait tous les soirs dans cette même gare aux environs de 18 h 50. À la fin de l’été 2016, après trois semaines de congés estivaux clôturés par un séjour mi-figue mi-raisin chez les grands-parents maternels de Manon, la petite famille avait remit le cap sur la région parisienne dans son carrosse motorisé, un Scenic IV bleu océan. Le voyage avait été un brin morose ; sans doute des divergences de vues sur la façon de terminer agréablement les vacances, auxquelles s’ajoutait la perspective de la rentrée toute proche. En ce tout début septembre, le couple s’était donc disputé une bonne partie de la soirée avant qu’Alain ne décidât de terminer la nuit dans un canapé. Au petit matin, le fonctionnaire zélé quittait la maisonnée endormie le cœur lourd et la sacoche à la main. Ce jour-là, Elodie soucieuse de se faire pardonner les remarques acerbes de la veille décida de faire une surprise à son grognon domestique. Accompagnée de Manon, elle se mit en quête du cadeau rédempteur dans les nombreuses boutiques de Créteil-Soleil (appellation qui à elle seule évoquait le bonheur d’un été idéal). Enfin munie du sésame pour se rabibocher avec Alain (une cravate Prestige rouge et noire en Tergal), Elodie rejoignit la station de métro la plus proche. Quelle ne fut pas sa stupeur en apercevant sur le quai opposé son cher mari en compagnie d’une jeune femme blonde et ...