Sophie ou Eloi, homme ou femme - Histoires de Sexe

Sophie ou Eloi, homme ou femme

... jeu de plus en plus troublant et je m’y suis laissé prendre… Je devenais Sophie. Je n’avais aucun effort à faire : je pensais comme Sophie, j’étais ému comme Sophie, je tremblais comme Sophie, je sentais le désir se nouer au creux de mon ventre comme Sophie et j’ai joui… presque comme Sophie. Quand nous nous sommes quittés, j’ai conservé l’adresse mail que vous m’aviez donnée… Je me suis dit que c’était une folie… Mais je ne pouvais m’empêcher de continuer d’être Sophie. Vos phrases, vos mots, votre sensualité… J’étais Sophie… Je suis Sophie… Le jeune homme marque une longue pause. Son regard me fixe, il est légèrement embué, brillant comme si une fièvre le tenait… Je reste sans voix… Je ne sais que dire… Je suis partagé entre surprise et colère… Je dois reconnaître que je me suis fait complètement rouler ; je n’ai rien vu venir… Je ne sais pas si je dois me lever, le gifler ou éclater de rire… Je me sens vexé, humilié et en même temps ému. J’essaie de me ressaisir, mais mes propos sont aussi décousus que mes pensées. — Mais enfin, vous deviez bien penser que… Vous me comprenez… C’est idiot… Pourquoi être allé jusqu’à venir ici… Qu’espériez-vous ? Les questions que je pose s’adressent autant à lui qu’à moi. J’essaie, au fil de mes pensées et de mes interrogations, de faire le point, mais je sens s’insinuer en moi une espèce de colère sourde, froide. Eloi, puisque que c’est le prénom qu’il m’a donné – mais est-ce le bon ? – est en face de moi, silencieux, presque apeuré. Il ...

... joue nerveusement avec ses doigts, ses longs cils blonds sont animés de légères vibrations. L’assurance qu’il avait affichée aux premières minutes s’est évanouie… Il est presque pitoyable… — En tous cas, vous ne manquez pas de culot… C’est énorme… Vous vous rendez compte ? Alors vous êtes Sophie… Vous ! Mais vous saviez que j’étais un homme en venant ici ? Sous la frange qui barre son visage, un « oui, je savais », humble comme un aveu, franchit les lèvres du jeune homme. — C’est un peu risqué, vous ne trouvez pas ?— Oui, mais je ne peux m’empêcher de penser aux minutes que nous avons passées virtuellement ensemble. Vous êtes comme je vous ai imaginé… Je ne suis pas déçu… Oh non, pas déçu du tout !— Pas déçu !… C’est un comble… Et vous pensez que moi non plus, je ne le suis pas ?— Je l’espère…— Ah, parce que vous l’espérez… Enfin, je suis un homme et vous un jeune homme… Ce n’est pas ce qui était prévu. J’espérais passer la soirée avec une femme de mon âge et c’est vous qui êtes en face de moi…— Moi, cela ne me dérange pas, lance-t-il, en plantant ses yeux verts dans les miens… Mi plaintif, mi provoquant.— Vous saviez que j’étais un homme et vous êtes venu… Chapeau, vous êtes gonflé… Mais si je m’étais fâché ? Si je vous avais giflé ? Vous y avez pensé ?— Euh, oui… Mais je ne sais pas pourquoi, je trouvais qu’il fallait que j’aille jusqu’au bout…— Bon… Eh bien me voilà dans de beaux draps !— Pas encore !— Comment « pas encore » ? Eh bien, ça alors, vous ne manquez pas de culot… ...