L'achat - Histoires de Sexe

L'achat

La calèche s’immobilise devant une grande bâtisse près des quais. Avec précaution, j’en descends, puis du bout de ma canne, je toque contre la lourde porte. Un regard inquisiteur me scrute à travers une petite grille. J’entre. Ce n’est pas la première fois que je viens ici, mais aujourd’hui, ma demande sera plus spécifique. Je n’apprécie pas beaucoup le maître des lieux, une sorte de cloporte obséquieux, mais il est le seul à pouvoir satisfaire ma demande, je dois donc faire avec. Dans le couloir, je croise la belle reproduction d’une statue grecque, je suis étonné que tant de beauté soit dans cet antre de perdition. Je suis à peine entré dans le bureau aux lourdes tentures qu’un valet me désigne que retentit une petite voix aigre et éraillée que je connais : — Soyez le bienvenu dans mon humble demeure, Sir Andrew ! Que puis-je pour vous ?— Vous avez une bonne idée de ma requête, Mister Harbow. Vous savez pertinemment que je ne viens pas vous voir pour acheter quelques pur-sang.— Non en effet, Sir Andrew, mais peut-être quelques pouliches…— Ce n’est pas faux, mais une seule me suffira. Je m’assieds dans le fauteuil qui fait face au bureau. À moitié plié en deux, mon interlocuteur me demande onctueusement : — Que recherchez-vous, Sir Andrew ?— Une femme dans toute sa splendeur, pas une jeunette. Une femme ayant un vécu, connaissant les affres de ce monde et sachant s’offrir totalement à son Maître.— Une soumise mature dans tous les sens du terme, si je vous comprends bien ?— ...

... C’est exact. Une soumise dévouée, obéissante, mais pas une cervelle vide. Je souhaite pouvoir discuter aussi avec, en faire à la fois ma dame de compagnie et en même temps mon objet.— Vous visez haut, Sir Andrew. Il serait plus simple que ces divers rôles soient tenus par diverses femmes. Vous en avez largement les moyens.— Je sais, je pourrais, mais je les souhaite toutes en une.— Comme il vous plaira. Il agite par deux fois une sonnette d’argent. Aussitôt, une femme d’une bonne trentaine d’années, vêtue à la dernière mode, mais sans ostentation, entre. Elle me fait une brève révérence puis se tient immobile à côté du bureau, attendant la suite. Son employeur me la présente : — Miss Gladys, ma nouvelle assistante. Elle est diablement efficace.— Tant mieux pour vous. Et vous connaissant, si vous me le dites ainsi, c’est que votre assistante doit l’être énormément…— Vous me devinez bien, Sir Andrew. Miss Gladys va se faire un plaisir de prendre note de vos moindres desiderata.— Bien, je vais reformuler ma demande.— Inutile, Sir Andrew, Miss Gladys, en qui j’ai toute confiance, est déjà au courant de notre petite conversation.— Ah bon ? On dirait qu’ici aussi, les murs ou les portes ont des oreilles. Mais je comprends les motivations de mon interlocuteur. Les minutes suivantes, je réponds aux diverses questions de cette collaboratrice qui est en effet particulièrement efficace, sachant à merveille diriger la conversation. De plus, elle n’est pas trop mal de sa personne. Mister ...