1. Clotaire et Pierre - Cinquième épisode


    Datte: 26/04/2019, Catégories: Entre-nous, Les hommes,

    Six heures et demi. C’est sur un air chanté par la Callas que Clotaire prenait l’habitude de se lever si tôt pour terminer quelques devoirs pour la fac avant de se préparer pour y aller. Il appréciait beaucoup cette cantatrice qu’il aimait écouter quand, à cause d’une dispute avec un être cher ou d’un petit moment de déprime, il était habité par la tristesse. Aussi étrange que cela puisse paraître, le fait d’écouter Maria Callas le remettait d’aplomb… Clotaire, aux yeux de ses proches, a toujours été compliqué. C’est sans doute cela qui fait sa valeur. Chaque matin, c’est invariablement le même rituel : le réveil ne sonne pas après six heures et trente minutes ; le temps pour Clotaire de recouvrer ses esprits tout en s’éveillant sur un air chanté par sa diva préférée, puis de prendre une douche bien chaude, exercice qu’il renouvelait avec plaisir le soir-même, il se préparait avec minutie pour aller à la fac : il était toujours vêtu de manière très élégante, avec un pantalon sombre ou clair (selon son humeur) et une chemise sur laquelle le couvrait une veste sombre ou un pull en fine laine. Enfin, il se parfumait légèrement avec « Ambre noir », une eau qu’il aimait beaucoup parce qu’elle « n’empestait pas la drague à deux balles » comme il disait pour mépriser les parfums « trop remarquables » et parce que l’odeur lui paraissait particulièrement douce. Le temps d’enfiler ses chaussures, il pouvait alors prendre son petit déjeuner. Le temps qu’il lui restait pour gagner ...
    ... la fac en métro lui permettait, pour une fois, de prendre son temps pour savourer son bol de Cruesli, qu’il accompagnait toujours d’une pomme et d’un jus d’orange. Un petit déjeuner concis, qui devait lui permettre de tenir toute la journée. Aujourd’hui, il n’avait pas très faim ; certains pourront penser que l’amour n’y est pas pour rien… Ce n’est pas tout à fait faux, puisque tout en faisant tourner sa cuillère dans son bol empli de céréales noyées dans du lait, il songeait à Pierre. Il se mettait à sourire quand il songeait à lui, ce qui n’était jamais arrivé par le passé, car pour lui, l’amour pouvait bien se limiter à la phrase « je t’aime », quelques baisers et gestes tendres… C’était curieux, mais à présent, il avait quasiment tout le temps envie d’être avec Pierre, de le serrer dans ses bras, de faire l’amour avec lui sans penser à quoique ce soit d’autre… Il était obnubilé par lui, ce jeune homme un peu tête en l’air et peu travailleur mais qui parvenait à le faire rire, à le faire sourire, avec lequel il aimait bien parler de lui, d’eux, de leurs familles… Quelqu’un qui le comprenait, en somme. Ce qui n’était pas arrivé depuis qu’Eugénie, sa meilleure amie, et lui, se sont séparés il y a quelques mois… Après ce petit déjeuner assez bref, il n’avait plus qu’à se brosser les dents, avant de prendre sa sacoche et son petit imperméable noir pour partir, enfin, presque impatient de retrouver son homme dans les mêmes couloirs que lui. Oh, bien sûr, il n’était nullement ...
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