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Brigitte
Datte: 22/08/2019, Catégories: A dormir debout,
... doivent être réunis pour qu’ensemble, ils puissent réaliser ce pourquoi ils se rencontrent. Que les éléments défaillent au moment opportun et la déception sera le gain de son effort. Il faudra attendre de nouvelles conditions, un nouveau rendez-vous, une nouvelle adresse. C’est pourquoi elle accélère le pas. Brigitte n’est plus très loin de son rendez-vous. Il lui reste assez de temps pour identifier les lieux et éviter ainsi toute erreur de localisation. Elle sait où elle doit se rendre et comment elle devra s’offrir à son amant. La pluie bat son plein. Le bruit qu’elle fait résonner entre les immeubles fait un joyeux vacarme et les fenêtres renvoient à ce chaos une harmonie étrange et inquiétante. La rue où se trouve Brigitte est quasiment vide. Les rares piétons qui se risquent encore sur les trottoirs sont loin de se préoccuper d’elle. C’est pourquoi Brigitte est confiante et que son cœur bat la chamade. Afin d’être tout à fait disponible, Brigitte vient toujours les mains vides, hormis son parapluie. Elle doit porter aujourd’hui une paire de bottes en cuir noir, une jupe écossaise en tweed, un ciré noir et une chemise en soie blanche. Rien d’autre. Brigitte consulte sa montre. Il est l’heure de sa mise en place. Elle traverse la rue sans précaution et se dirige au numéro en question. C’est une magnifique porte cochère en bois massif d’un hôtel particulier. Son ouverture est suffisamment échancrée pour s’y installer à deux sans être exposé outrageusement à la curiosité. ...
... Cette adresse présente la particularité indispensable d’être battue de plein fouet par la pluie. Brigitte s’y installe sur la gauche, ferme son parapluie et le dépose dans l’angle de la porte. Elle sent immédiatement l’orage lui fondre dessus. Comme convenu, elle se tient debout, face contre l’immeuble, les jambes serrées, les mains dans les poches de son ciré. Elle sent les puissantes gouttes de pluie s’abattre sur l’arrière de sa veste et ruisseler le long de ses mollets. La fraîcheur de l’eau assaille ses jambes et embrase son fessier d’une vague de frissons. Brigitte ferme les yeux. Au milieu du déluge, elle entend une voiture passer et le clapotis du reflux de l’eau sous les pneus. Le rythme de sa respiration s’est accéléré. Le temps s’est suspendu. Toute son attention se porte à présent sur la résonance intérieure qu’elle éprouve dans l’attente d’être cueillie par son amant. Etre ainsi exposée à la merci d’une situation improbable et à l’indécence de son comportement lui inspire un sentiment de honte et d’excitation terrible. Elle ne veut pourtant s’opposer au désir de son amant de la trouver ici aux aguets et sans défense. Ces préliminaires de l’attente sont pour elle tout aussi précieux que la finalité de leur rencontre. Son imagination élabore toutes sortes de scénarios plus troublants les uns que les autres. Elle envisage indécemment d’être vu de l’immeuble d’en face. Que quelqu’un l’observe derrière sa fenêtre. La juge dans son attitude irrationnelle et intrigante. ...