L'anniversaire de mariage (1)
Datte: 09/09/2020,
Catégories:
Lesbienne
Le temps était frais et humide. Défigurée par les changements climatiques, cette journée de début d’été qui aurait dû s’annoncer tiède et bucolique avait plutôt des allures de grisaille d’automne, ajoutant à la tristesse du moment. Une bruine légère enveloppait les personnes présentes alors qu’un vent léger pavait la voie pour la prochaine averse. La vieille dame, habillée d’un sombre tailleur violet, et dont les cheveux gris semblaient être parvenus à préserver un peu de noir, s’avança en direction de la pierre tombale. Une autre dame âgée l’accompagnait, ses cheveux tout blancs ramassés en toque. Resté sur l’allée de pierres concassées, un grand rouquin, mi-trentaine, observait la scène. Péniblement, la dame au tailleur violet posa un genou par terre, confia sa canne à celle qui lui tenait compagnie, et déposa une rose sur la tombe, non sans avoir d’abord relu les mots gravés sur la pierre bleu pâle : « Sophie Durocher2000-2063Épouse bien-aimée d’Alicia LeBelUne tourterelle s’est envoléeRepose en paix, ma biche » Après avoir longuement posé ses deux mains sur le sol en signe de recueillement, elle se releva, aidée de sa compagne qui lui tendit à nouveau sa canne. « Approche, Jean-Simon, dit-elle alors de sa voix chevrotante, se tournant vers l’homme qui était resté discrètement en retrait. C’était ta mère également. » Le grand rouquin s’agenouilla à son tour dans un moment de recueillement, sous le regard affectueux des deux femmes, puis se releva. « Aujourd’hui aurait été ...
... notre cinquantième anniversaire de mariage, Sophie et moi, laissa tomber Alicia. Cinq ans déjà depuis qu’elle est partie ! J’ai toujours l’impression que l’on n’a pas assez vécu ensemble, qu’il nous restait encore beaucoup à faire et à vivre. — Vous avez vécu ensemble une belle histoire d’amour, fit l’autre dame, essuyant une larme sur le visage de la veuve. Et je suis heureuse que tu me permettes maintenant de terminer la route avec toi. — Et elle m’a laissé un fils merveilleux, répondit l’autre en posant ses mains sur les épaules du gaillard qui se mit à sourire timidement. » Ayant ressorti son mouchoir et épongé une autre larme, elle s’adressa à Jean-Simon : « C’était le vœu de ta mère de pouvoir enfanter un jour. Et c’était le mien également. C’est finalement à l’âge de 33 ans que Sophie a été inséminée par moi. Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Nous avions choisi un père donneur dont le génome se rapprochait le plus du mien. Nous nous étions préparées comme pour une nuit de noces : bain prénuptial, vêtements affriolants, bougies dans la chambre... J’avais remis leBolero de Ravel à jouer comme pour la première fois où nous avions couché ensemble. « Avec toutes les précautions nécessaires, j’avais emmagasiné le sperme dans le gode-ceinture éjaculateur. Je manipulais l’instrument comme si c’était déjà ton berceau, dans lequel tu te trouvais, inconscient de l’aspect solennel du moment. J’ai rejoint Sophie qui m’attendait dans le lit, déjà émue mais paisiblement ...