Demi queue - Histoires de Sexe

Demi queue

... ticklin’ the ivory, Singin’ jive, I repeat what I said before. Elle connaît, et ça la fait marrer. J’ai dû briser la glace, car elle se lève et vient à côté de moi en me souriant. Elle m’offre un visage ravissant, entouré d’une crinière bouclée sombre, de grands yeux noirs, des lèvres délicieusement ourlées. Mon apparition a tous les charmes d’une héroïne des Mille et une nuits. — Mais, vous êtes maghrébine ! dis-je avec un sourire gourmand.— Oui, et ça vous pose un problème ? rétorque-t-elle en se raidissant, comme si un scorpion l’avait mordue.— Bien sûr que non, au contraire.— Bien sûr que si (regard noir). Vous avez dit « MAIS, vous êtes maghrébine », et pas « Ouah ! cool, une princesse des sables ». Donc, ça vous pose un problème.— Mais ce n’est pas ce que je voulais dire… (reste de sourire timide).— Pas ce que vous vouliez dire… mais bien ce que vous pensiez ! Parce que dans votre petit cerveau borné, il n’y pas de pianos au Maghreb. Trop lourd à mettre sur un chameau ?— Ah ! non, jamais je…— Ah non ? Alors c’est pire (éclairs dans les yeux, colère dans la voix). Coincé comme vous êtes, vous n’imaginez même pas qu’au Maroc on joue d’autre chose que de la Nira pour charmer les serpents. Ça suinte par tous vos pores, ce genre de conneries racistes. Bigre, elle a du tempérament. Je me sens vraiment ridicule, alors qu’elle semblait si favorablement intriguée à peine quelques secondes plus tôt. Ça m’apprendra à mieux maîtriser mon langage. — Sincèrement, je suis désolé, je ...

... ne voulais…— Allez vous faire foutre… dit-elle en s’éloignant, ce qui est dit est dit. Vous êtes nullissime à faire le beau avec une musique qui n’est pas de votre race.— En attendant, elle semblait vous plaire tout à l’heure ma musique, même si elle n’est pas plus de ma race que de la vôtre, soit dit en passant.— Alors là, non seulement vous êtes minable, mais vous ne connaissez même pas vos classiques. Touché. Ça m’énerve au plus haut point qu’elle m’attaque sur ce terrain. J’ai dit une phrase qui n’aurait jamais dû être, d’accord. Mais de là à prétendre que je ne connais pas le jazz, il y a des limites. — Et pourquoi, je vous prie…— Parce que le parolier de Fats Waller s’appelait Andy Razaf… Et ça, c’est un nom comme il y en a plein dans mon pays…— Mais b…, c’est quoi ces stupidités ! J’en ai strictement rien à faire que vous soyez brune, bleue, noire ou verte. Ce qui m’importe c’est que vous fassiez le boulot pour lequel je vous paie, et que cette saleté de piano se retrouve dans ma camionnette, et fissa… Elle me fusille du regard, ses lèvres crispées de colère. J’ai vraiment dû la blesser. Apparemment, plus j’essaie de me justifier, plus j’accumule les faux-pas. Elle revient alors sur moi, presque menaçante, son index pointé sur ma poitrine. — D’abord, tu ne me dis pas « fissa » ! Ensuite, avant de changer de sujet, tu me dis la vérité. Qu’est-ce qui a traversé ta tête de nœud, quand tu as réalisé que j’étais une beurette, hein ? Ose prétendre que tu n’es pas parti dans ...