1. JN0203 Une route longue et sinueuse.


    Datte: 22/07/2021, Catégories: Entre-nous, Les hommes,

    ... moi pour le regarder dans les yeux. « Ça va ? » il enchaîne. « Oui… et toi ? ». « Ça va… ». Et là, au bout de deux échanges de politesses, le silence s’installe entre nous. Je suis mal à l’aise et j’ai l’impression que Jérém n’est pas plus à l’aise que moi, comme si son assurance de petit con qui n’a peur de rien s’était soudainement envolée. J’aurais envie de trouver un moyen de briser la glace, je n’y arrive pas. Je suis perdu, troublé par sa présence : je ne sais pas où nous en sommes vraiment, j’ai l’impression qu’après tout ce qui s’est passé, après un mois sans se voir, une nouvelle distance s’est glissée entre nous. Comme si nos existences jadis synchronisées étaient désormais en décalage. Les secondes s’enchaînent et le bruit de la pluie devient presque assourdissant. « T’es beau, dis-donc… » il finit par me balancer, après avoir allumé une nouvelle clope. C’est la première fois que Jérém me fait un vrai compliment. Je suis à la fois flatté et déstabilisé. « Tu parles… ». « Si, si, tu es très beau, t’es très bien sapé… ». « Oui, ce sont les fringues qui font tout… ». « Oui… enfin… non… c’est pas ce que je voulais dire… euh… t’es vraiment pas mal, Nico… ». « Arrête ton baratin… ». « C’est pas du baratin… ». « Si… ». « T’as mis un parfum… ». « Non… enfin… si… ». « Tu sens bon… ». « Merci… ». Nos regards se croisent, nos silences s’additionnent, nos malaises s’amplifient mutuellement. Puis, un détail attire mon attention : le zip du pull à capuche est légèrement ouvert ...
    ... et un bout de tissu plié dépasse ; on dirait un col de maillot de rugby, mais pas n’importe lequel. Du blanc, du rouge : on dirait bien le maillot que je lui avais acheté à Londres et qui avait désormais une longue histoire : ce maillot que j’avais gardé longtemps chez moi avant de me décider à lui offrir, ce maillot qu’il m’avait balancé à la figure lorsque j’avais enfin voulu le lui donner, ce maillot que j’avais laissé à son patron, à la brasserie, ce même maillot qu’il m’avait crié avoir jeté à la poubelle : c’était la nuit avant son accident, lors de cette rencontre houleuse en présence de Martin. Sans vraiment réfléchir, je m'approche de lui, j'ouvre un peu plus le zip. Mes gestes sont déterminés, et le bogoss se laisse faire : oui, c'est bien le maillot que je lui avais offert. Mes doigts effleurent au passage sa peau mate, douce et tiède ; mille frissons se dégagent de ce simple contact, comme des étincelles qui se propagent dans tout mon corps, m’approchant dangereusement de la surcharge et du court-circuit émotionnel. « Je croyais que tu l’avais jeté… ». « Tu crois que je pourrais jeter le maillot de Johnny ? ». « Non, bien sûr… le maillot de Johnny… ». « Et puis, c’était un beau cadeau… ». « Je voulais te faire plaisir… ». « Et c’est réussi… » Le silence s’installe à nouveau entre nous ; le bruit incessant de la pluie a quelque chose d’hypnotique, et j’ai l’impression de perdre pied. « Tu es vraiment un gars adorable… » il me lance. « Si tu le dis… ». « … et je me ...
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