1. Montségur


    Datte: 13/08/2021, Catégories: fh, jeunes, religion, pénétratio, historique, ecriv_f,

    Eudeline avait toujours été entière. Si son père, Maître Longamel, mercier de la bonne ville de Carcassonne, apportait pour elle quelque friandise, elle s’en gobergeait aussitôt jusqu’à en être gavée de sucre. Ce qu’elle désirait, elle le voulait tout de suite, en suffisance. Jamais on n’avait réussi à la réformer. A dix-sept ans, Eudeline était une enfant encore. Un visage aux joues rouges comme des pommes, encadrés de longues tresses brunes, une bouche rieuse, des yeux couleur de châtaigne, voila qui ne la distinguait pas beaucoup. Avec ça, petite, vive et potelée, aimant les fêtes et le tapage. Elle n’était jamais plus heureuse que lors des farandoles de mai, ou des feux de la Saint Jean. On l’y laissait courir. Arrêter Eudeline revenait à saisir un feu follet entre ses doigts. Quand Guillaume Bellainne, fils d’un maître drapier, passa le seuil de la boutique, elle sut qu’il était pour elle. Il ne se pressait pas d’aborder un commis, semblant goûter l’odeur d’épices, la profusion de richesses et de couleurs débordant des étals. Les Bellaine n’étaient pas familiers de l’échoppe. On les disait pingres, on disait pire encore. Eudeline rajusta sa mise, guignant l’homme du coin de l’œil. Il était grand, mince sans être maigre, ses épaules étaient larges. Il avait les cheveux châtains aux reflets fauves, dans ses yeux luisaient des éclats dorés. Une ombre de barbe se perdait sur ses joues mates, et Eudeline soupira en pensant que ce duvet là devait être doux sous la main. Enfin ...
    ... il vint vers elle, lui adressa la parole. — Mademoiselle, je vous prie.— Oui, bien sur.— Je cherche un présent pour une jeune dame. Le cœur d’Eudeline se fendit en deux. Elle fit cependant front — Pour quelle occasion ?— Ce sont ses fiançailles. Le jeune homme avait rougit. Heureux fiancé, amoureux éconduit ? La jeune mercière sentait le sang battre à ses tempes. — Il faut m’en dire plus. Un commis approchait. Eudeline repris, plus commerçante : — Que voulez vous offrir ? Quelque colifichet, une bourse, peut-être— Je… C’est une jeune fille sérieuse…— Un métier pour la tapisserie ?— Oh, non, ma cousine a déjà tout ce qu’il faut. Eudeline faillit crier de soulagement. Elle se contrôla, lui montra plusieurs articles. Il se décida pour une garniture de col, en soie brodée. Discrètement, du bout de l’ongle, la jeune fille tira un fil. — Oh ! Elle est éraillée ! Attendez-moi. Il me semble en avoir vu une autre, toute pareille, je vais la chercher. Elle se précipita vers la réserve. Il n’y avait bien sur là pas le moindre col. Elle joua cependant son rôle, ouvrit plusieurs boites et fit un peu de bruit. — Je ne le trouve pas. Mais je suis sur qu’il y est. Ecoutez, je vous le ferais porter dès que je le trouverais.— C’est, Damoiselle, que ma cousine se fiance dans deux jours— Ne vous inquiétez pas, je le trouverais avant. Tenez, demain, après vêpres, je vous le porterais. Le jeune homme acquiesça. Eudeline jubilait. Elle avait sans efforts obtenu le rendez-vous qu’elle convoitait. Sa ...
«1234...9»