-
La Tour d'Ivoire
Datte: 12/12/2017, Catégories: nonéro, policier,
... gens le bousculèrent, et Liana s’éloigna alors avec les autres. Il la suivit des yeux. Peu importe. Il saurait où la trouver. Dix minutes après être sortie de chez elle, Liana entra dans un McDonald’s. Elle ne vit pas l’homme au tee-shirt rouge et à la casquette bleue et blanche ridicule. Elle se fraya un chemin parmi la file d’attente. Mercredi, midi et demie, McDonald’s : tous les éléments concordaient pour une attente d’au moins une demi-heure avant d’être servie. Comme elle n’avait pas si faim que cela, Liana préféra sortir et traversa la rue. En face, il y avait un petit café, où elle attendrait une heure plus raisonnable pour aller se commander son sandwich. Elle hésita encore un moment entre l’envie de repartir chez elle et celle de boire un verre. Elle ne se sentait pas à l’aise depuis qu’elle avait quitté Tomaze. Elle se sentait sale, anonyme et incomprise. Une gêne si forte qu’elle en était presque palpable. C’était sans doute stupide de sa part, surtout qu’il n’y avait aucune raison apparente pour ça. Elle avait à peine commencé à boire sa bière qu’un inconnu se glissa sur la banquette en face d’elle. Elle le détailla des pieds à la tête en une fraction de seconde, de ses tennis boueuses jusqu’à la casquette stupide, sans oublier le tee-shirt rouge vif au passage. — Excusez-moi, monsieur, mais le café est à moitié vide et j’aimerais rester seule à cette table, s’il vous plaît. Liana avait parlé calmement, poliment, et lorsqu’elle vit le sourire sarcastique du ...
... bonhomme, elle sut qu’elle aurait finalement dû prendre son mal en patience et attendre sagement son tour pour manger ce fichu hamburger, de l’autre côté de cette fichue route. Pour prendre une contenance, elle but une autre gorgée de bière, sans cesser de fixer attentivement le type en face d’elle. — Ma petite demoiselle, peut-être ne suis-pas désiré à cette table, mais j’ai quelque chose à te dire, déclara l’homme qui ressemblait vaguement à un touriste. En tout cas, c’était un Français pur souche, il n’avait pas la moindre trace d’accent. Liana en fut un peu étonnée : à sa manière cocasse de se vêtir, elle aurait parié sur un Anglais. — Pardon ? fit-elle avec politesse.— Tu m’as très bien entendu, poupée. Liana devina que l’agacement qu’elle avait ressenti dix secondes auparavant s’était brutalement transformé en colère. Elle posa lentement son verre et leva un regard dur sur l’importun. — Écoutez, monsieur…— Vous désirez boire quelque chose ? demanda soudain un serveur, surgi d’on ne savait où. Le type commanda également une bière, puis regarda Liana droit dans les yeux. Elle s’efforçait de garder une expression impassible. — Je connais l’écrivain, poupée, dit-il avec un sourire encore plus vicieux que le premier. Aussi vicieux qu’indigeste, se dit Liana en serrant les dents. — L’écrivain ? répéta-t-elle d’une voix neutre.— Ouais, l’écrivain. Je m’appelle Charles, au fait. Et il lui tendit une main qu’elle se contenta de fixer avec hostilité. — De quoi parlez-vous, monsieur ? ...