A tu et à vous
Datte: 19/05/2018,
Catégories:
Entre-nous,
Les hommes,
Chapitre 1 C'était il y a 3 ans déjà. Durant les caniculaires journées de juin, j'avais l'habitude d'aller voler l'ombre d'un vieux platane en bas de chez moi, dans un cimetière parisien extra-muros, histoire de voir si quelque fraîcheur y était restée présente. Un banc, hors d'age, dans la division 38 attendait en général mon céans et procurait un bienheureux accueil à mes méditations ou le contraire. Le coté méditation dans la majorité des cas se résumait à la vacuité de mon esprit indolent. D'ailleurs c'est dans cet état, voisin du néant que ce samedi là, un homme vint s'asseoir à coté de moi. D'un physique imposant de montagne himalayenne, de mon âge, la bonne cinquantaine -comme s'il y en avait une mauvaise-, le teint halé de celui qui passe ses week-ends à tondre son gazon. Presque chauve avec une tâche de vin sur une tempe, muni d'une paire de moustache fines, grises, surmontées par un nez fort proéminent, un quart de brie, comme aurait pu dire ma crémière, un regard de jais, brillant de milles feux sous des sourcils broussailleux. Une allure de quidam, ressemblant fort à monsieur Toulemonde, comme aurait dit un adepte du pléonasme. Après quelques instants de silence, il commença à s'adresser à moi, me disant qu'il avait perdu sa femme il y a un an. - ...Je viens souvent ici me souvenir d'un temps qui n'existera plus, je profite de la proximité mon appartement pour venir me recueillir sur sa tombe. Et vous ? - Moi, ben ma femme m'a quitté il y a dix ans et je viens ...
... ici, à la belle saison, pour prendre l'air et profiter de la fraîcheur estivale de ces platanes. Lui répond-je un peu surpris qu'un importun trouble mon repos. - Enfin quand je dis quitté je devrais plutôt dire séparé c'est elle qui est partie et pas pour ce cimetière mais pour un obscur gratte-papier d'un quelconque ministère. Elle me considérait comme un type petit, sans ambition, elle n'avait pas tout à fait tort d'ailleurs, mais je crains qu'elle ne soit tombée de Charybde en Scylla. Depuis j'occupe mon chômage, en attendant mieux, à traîner mes guêtres dans des endroits reposants. - Vous êtes ce qu'on appelle un homme seul ? - Un homme seul, oui et non, j'ai mon fils et ma belle-fille qui viennent me voir de temps en temps, ils habitent à quelques arrêts de bus de chez moi. Non je ne me considère pas comme seul, en tous cas, je me suffis à moi-même. - Se suffire à soi-même, vous avez de la chance. Tout est pour le meilleur, donc. - Oui, il n'y a que la chaleur qui me dérange en ce moment, j'aime pas trop ces températures caniculaires. - Moi c'est pareil, trop chaud, trop chaud ! Je peux d'ailleurs vous offrir un rafraîchissement, thé froid, eau chaude ou froide, ou tout autre boisson, j'habite dans le grand immeuble de la rue Marx Dormoy devant l'entrée du cimetière et mon pèlerinage quotidien est fini. N'ayant rien de mieux à faire, pourquoi ne pas tenter l'aventure pendant quelques minutes. - Pourquoi pas, mais je ne dispose que de vingt minutes. - Grandement suffisant ...