Incertitudes
Datte: 05/09/2018,
Catégories:
revede,
nonéro,
nostalgie,
portrait,
... connaître mieux que quiconque. À moins que… L’échange se tendait. Ma mère n’avait pas pour habitude de se laisser faire. Je n’étais que spectateur de cette conversation. Je ne voyais pas vraiment ce que je pouvais dire ni ce que je faisais là. J’avais envie de me lever et d’attendre dans le couloir. — Mon fils va très bien, je vous rassure. Il ne parle pas beaucoup, est plutôt introverti, d’accord. C’est son caractère qui veut ça. Je l’ai forcé à aller en colonie de vacances l’été dernier mais ça n’a pas été suffisant. Je devrais peut-être lui faire faire du théâtre. C’est une idée que j’ai toujours eue. Ça l’aiderait à vaincre sa timidité.— C’est à lui de décider ce qui est bien pour lui… Ne l’obligez pas, ce n’est jamais bon. Votre mari est-il présent ?— Non, pas très. Il travaille beaucoup, part tôt, rentre tard. On se voit surtout le week-end.— Je vois… S… a-t-il des frères, des sœurs ?— Oui, j’ai deux autres garçons plus petits. S… est l’aîné.— Cela se passe-t-il bien entre eux ?— Hé bien… hésita ma mère. Mais pourquoi me posez-vous toutes ces questions ?— Pour rien ! assura Mrs Zielinski avec bonne humeur. En tout cas, de mon côté, je vous assure que tout se passe bien avec S… Bien sûr, il est très discret. Elle me fit un clin d’œil et reprit : — Mais c’est un garçon très agréable, posé et réfléchi. Nous autres professeurs apprécions ce genre d’élèves car évidemment ils ne nous posent aucun problème et même canalisent le surplus d’énergie de leurs camarades. Je suis ...
... très contente de pouvoir le compter parmi mes élèves. Voilà, je ne vois pas ce que je pourrai ajouter de plus. S… ?— Non, madame. Tout se passe bien. Je vous remercie. Après un sourire bienveillant : — Madame ? s’adressa-t-elle à ma mère.— Non, je n’ai pas de questions.— Ah, j’aurais pensé que vous auriez aimé savoir ce que l’on étudiait en classe, connaître un peu mes méthodes de travail… Mais ce n’est pas grave. Je vous souhaite une bonne soirée. À toi aussi, S… À demain. Elle se leva, nous en fîmes autant. Elle adressa un signe de tête à ma mère. Quant à moi, après un nouveau sourire, elle mit affectueusement sa main sur mon épaule. Ce geste, en apparence anodin, m’avait procuré de délicieux frissons… Il n’y avait pas de doute, j’étais bel et bien amoureux. Ce n’était pas juste un béguin d’adolescent pour une femme qui me plaisait physiquement. Je savais que c’était plus profond que ça. Je me sentais en avance sur mon âge. Ou plutôt décalé par rapport aux autres. Le fait d’être seul, tout le temps seul, engendre d’avoir énormément de recul sur soi, de maturité, de se poser des questions, d’essayer d’y apporter des réponses, de se remettre en cause. Il n’y avait nulle issue, comme dit déjà plus haut, mais je me plaisais à rêver à ce qu’il y en ait une. Quand on est isolé, pour ne pas sombrer, il faut faire fonctionner son imagination. Je ne saurais pas expliquer précisément pourquoi j’avais des sentiments pour elle… Peut-être parce qu’elle s’intéressait à moi, cherchait à me ...