1. Le temps du désir


    Datte: 22/12/2018, Catégories: ff, jeunes, école, amour, init, confession,

    ... je suis sûre que je vais commettre mille impairs ! Ma maladresse est un sujet de réjouissance régulier dans ma famille. Le dîner est culturel. On parle littérature, musique – j’apprends au passage que Cassandre est une « virtuose » du piano, selon papa ! – et bien sûr, études. Le bac approche. Cassandre se crispe quand on aborde le sujet. Je sais qu’elle stresse à mort. Pour l’heure, moi je stresse, parce qu’on vient de me servir une aile de poulet accompagnée d’un panier de pommes de terre en terrasse et d’un bouquet de haricots étuvés en cocotte ! Cassandre m’a prévenue que le savoir être à table consistait à ne se servir que des couverts et pas des doigts… Elle est chiante : si ça c’est pas me mettre la pression… Bon, jouons donc notre rôle ! Je plante la fourchette mollement dans le morceau de blanc – parce qu’il n’est pas question, non plus que j’abîme l’assiette de porcelaine héritée des arrières-arrières-grands-parents, au moins ! – en étant trop vigoureuse du poignet, et j’entame l’articulation de l’aile avec le couteau. Le problème, c’est que la foutue articulation résiste. Et je force. Trop ! Le couteau dérape, l’aile s’envole ! Je vous jure ! Et elle atterrit dans l’assiette mitoyenne, celle de Madame… Je rougis, je bafouille, j’ai envie de m’enfuir, de me glisser sous la table pour qu’on m’oublie. — Pigeon vole ! s’exclame Monsieur, avec un sourire condescendant.— Je suis désolée, m’excusé-je. Chez moi, on mange plutôt le poulet avec les doigts… Je dois dire ...
    ... que là, je fais fort. Revendiquer mes origines pour excuser ma maladresse, j’ai tout de suite honte de moi. Mais eux s’esclaffent ! Ils se moquent de moi ou quoi ? Mais non… Ils s’amusent juste de la situation. Alors je fais comme eux tandis que Madame, replace consciencieusement l’aile volante dans mon assiette. — Retour au pigeonnier ! déclare-t-elle spirituellement.— Merci, madame ! Au moment du dessert, Monsieur s’informe de mes projets. Je lui réponds,« École de journalisme ». Il grimace. Et me souhaite bien du plaisir, considérant que cette engeance – celle des journalistes – était largement dominée par les lobbies juifs qui pratiquaient abondamment le népotisme dans le milieu des medias… Ben voyons ! Antisémite en plus… Et moi, lâche, je ne pipe mot. Comme si cela ne suffisait pas, le voilà qui me demande mon avis sur le projet de loi d’un candidat à la présidentielle concernant le mariage homosexuel. Je n’ai pas besoin de regarder Cassandre pour savoir qu’elle est tétanisée. L’homophobie paternelle est si évidente que je marche sur des œufs… Je fais front en arborant un visage en point d’interrogation à l’intention du papa. Cela suffit à l’échauffer. Il enfourche son destrier de croisé : — Ils veulent – il parle des « rouges », c’est à dire des socialistes – corrompre les fondements même de notre société. Autoriser le mariage homosexuel, c’est accepter que des anomalies de la nature soient légitimées ! (Et vlan ! Un coup de poing sur la table… de quoi faire sauter une ...