1. Domination


    Datte: 02/02/2019, Catégories: nonéro, sf,

    ... pas courant qu’il l’entendit depuis l’extérieur. Toujours personne. Il allait cueillir sa clé de secours sous le paillasson, quand il s’avisa que la porte était légèrement entrouverte… Lucien avait dû s’absenter, sans penser à verrouiller l’appartement. Furieux contre l’éthylique et son inconséquence, Pichon se précipita chez lui en poussant un cri de guerre. — NOM DE D… Le cri mourut dans sa gorge, quand il vit le carnage. Un cyclone avait dévasté son logis. À moins que ce ne fut un troupeau de bisons. Les meubles avaient été déplacés ou renversés, des débris alimentaires jonchaient le sol, de la vaisselle sale gisait un peu partout. Puis il vit les cadavres. Des bouteilles d’alcools. Vides. Jetées en vrac, dans la plus totale confusion. Ce spectacle de désolation était ponctué de loin en loin par des cendriers publicitaires débordants de mégots jaunis. Comme vomi par le cataclysme, un éléphant de mer échoué sur son canapé ronflait à s’en faire péter la luette. Le bougre n’était pas seul ! Il enlaçait avec tendresse une baleine, dont le lard dénudé roulait en vagues grivoises sur le lin délicat de ses draps. — GATIMEL !!!— … hmm… grrr… émit le poivrot, sans même desceller ses paupières violacées. Ces deux-là étaient ivres morts. Bourrés comme des coings. Les rideaux crissèrent, écartelés, et la lumière blafarde éclata dans le réduit enfumé. Le comptable ouvrit ensuite les fenêtres en grand, laissant entrer l’air glacé de décembre pour qu’il purifie l’atmosphère nauséabonde ...
    ... du salon. Les tourtereaux avinés protestèrent en chœur. — La fenêtre, bon dieu !— On se caille… Pichon observait avec satisfaction les effets du froid sur ces deux montagnes de chairs flasques et nues, qui brutalement retrouvaient vie. — Lucien, tu peux m’expliquer ce qui se passe ? demanda-t-il d’un ton aussi mordant que la bise de décembre.— Et merde, mais quelle heure il est ? grogna le poivrot, hébété.— Bien assez tard ! Réponds-moi ! Gatimel se racla la gorge, puis, d’une paluche approximative, protégea ses yeux collés de sommeil contre la lueur du jour. — Heu… Hier soir, je m’emmerdais ferme. Alors j’ai invité quelques copains. Histoire de s’taper une petite belote…— Et, du coup, vous vous êtes aussi tapé ma réserve d’alcools forts. Sans parler de cette… cette… prostituée !— Ah ça ? C’est Simone, une copine. Elle savait pas où crécher…— Alors, tu lui as gentiment proposé un brin de sieste sur mon canapé, renifla Pichon avec dédain.— Comme t’étais pas là, j’me suis dit que ça pouvait pas te déranger, fit l’affreux. Puis il rajouta une parole laconique, en guise d’excuse. — On avait prévu de tout ranger avant ton retour…— C’est réussi, dis donc !— J’pouvais pas non plus prévoir que Môssieur allait se lever aux aurores ! Pichon serra les mâchoires à s’en faire péter les maxillaires, pointa la porte d’un doigt rageur, puis hurla aussi fort qu’il put : — DEHORS !— Mais… mais on est à poil ! Et ça caille, dehors ! Tu voudrais pas avoir deux morts sur la conscience quand même, ...
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