1. Belladone, aux vénéneuses séductions !


    Datte: 08/02/2019, Catégories: fh, ff, prost, caférestau, Voyeur / Exhib / Nudisme odeurs, Oral 69, mélo, portrait, policier, bourge,

    En 1919, l’Alsace sortait de quarante-huit ans d’annexion allemande. Plusieurs générations d’Alsaciens avaient été exclusivement éduquées dans la langue de Goethe. Ainsi, exceptés les vieux, une frange de privilégiés, les cercles du pouvoir et quelques revenants d’exil, on parlait alors l’allemand à Strasbourg, mais davantage encore l’alsacien qui avait conféré à cette originelle langue maternelle un parfum de résistance durant l’annexion.De nombreux dialogues rapportés ci-dessous sont traduits soit de l’alsacien soit de l’allemand, soit enfin d’un mélange des deux. Nous avons laissé quelques expressions fleuries et incontournables en alsacien, immédiatement traduites entre crochets pour ne pas forcer le lecteur à de fastidieux allers-retour en fin de texte. Le champagne coule à flots ce soir sous les lustres de l’hôtel François-Joseph de Klinglin (1) tout récemment reconquis et qui n’héberge le nouveau préfet que depuis deux mois seulement. Ce bal du 13 juillet 1919 doit inaugurer dans les fastes une florissante ère française et déborde des salons jusque sur la terrasse. Se presse là une multitude hétéroclite d’élus ceints de leur écharpe, d’officiers supérieurs empanachés, de prélats que leur austérité bouffit d’orgueil et de hauts fonctionnaires affichant leur mépris de toutes ces vanités sans bénéfice pour l’État. Ce sont surtout les épouses ou les grandes filles déguisées en épouvantails chamarrés qui assurent le spectacle, et si les rivalités sont âpres entre les ...
    ... messieurs, elles n’en restent pas moins dérisoires par rapport aux concurrences effrénées qui affrontent ces dames. Comme toujours en ces occasions, la foule républicaine a sacré spontanément une reine de la fête, une jeune fille éblouissante de par sa beauté quoiqu’insignifiante ou presque dans la hiérarchie sociale occulte qui régit cette noble assemblée. Cette condition permettra de porter sa tête sur le billot sans trop d’embarras dès le lendemain ou au moindre faux-pas, et quelques commères, l’œil luisant d’une sainte haine, s’y appliquent déjà. L’impératrice de cette soirée est donc la brune – blonde ferait teuton – et splendide Marie-France qui allie sous la bannière de son prénom la foi catholique et la nation. Mademoiselle Marie-France figure ainsi un étendard symbolique qu’on brandit en cette réception. Cette fille est celle de monsieur Haas, premier secrétaire du troisième bureau de la préfecture, dont les grands-parents avaient fui l’Alsace prussienne avant même le traité de Francfort (2) pour s’exiler à Nancy tandis que ses parents venaient d’y refluer en devançant le traité de Versailles (2) et l’instauration du préfet dans ses fonctions. L’indéfectible fidélité de sa lignée à la France, sa prémonition de l’Histoire, lui font autant d’atouts que monsieur le premier secrétaire n’hésite jamais à rappeler et qui lui valent l’oreille du préfet. Mademoiselle Marie-France, dont la famille en quête d’un parti vante les vingt-trois ans, s’efforce d’en paraître vingt alors ...
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