1. Coup de foudre et de poing au bahut


    Datte: 10/02/2019, Catégories: jeunes, couleurs, école, amour, nonéro, exercice, humour, coupfoudr,

    — Terminale L ? Salle E13, dans le bâtiment que tu vois sur la gauche. C’est au rez-de-chaussée, me précise la CPE, en désignant du doigt un grand bloc à trois étages qui aurait bien besoin d’un ravalement de façade tant il me semble décrépit. Sac en bandoulière et cœur en bataille, je me dirige vers le dit bâtiment aux couleurs lavasses striées de fissures raccommodées à coup de ciment gris.Charmant ! me dis-je, pour un lycée privé censé être cossu… Encore un changement de ville, encore un changement d’établissement scolaire : ça fait trois en six ans. On n’arrête pas de déménager, mon père et moi ; rapport à ses changements d’affectation. Normalement, cette fois, c’est pour un bout de temps… — Le temps de te faire des amis, m’a-t-il dit, sans rire. Il me connaît pourtant. Des amis ? …J’en ai pas. Il faut dire que je suis du genre solitaire et maussade. Un hérisson ! Quand on m’approche, je dresse mes piquants… Hérisson, mais sans élégance ! — T’es mal dans ta peau, m’ont reproché souvent ceux qui ont essayé, vainement, de m’apprivoiser.Peut-être un p’tit peu trop fragile ?… Allo maman bobo… On connaît la chanson. Admettons : maman bobo… Sauf que c’est pas que j’suis pas beau c’est que tu nous as laissés sur le carreau, direction le firmament, maman. J’ai même pas eu le temps d’entrevoir ton sourire… et pour tout souvenir, tu ne m’as laissé que quelques photos de toi. Ça fait pas beaucoup, avoue. Voilà… E13. Petite plaque de plastique blanc fendu sur la porte. Et derrière, ...
    ... un murmure confus. Combien de gus vont soudain concentrer leur regard sur ma pomme ? Les yeux, c’est toujours comme des pelotons d’exécution prêts à faire feu sur moi. J’aime pas ça. Je déteste… Alors je me fais une tête de pitbull mal embouché, histoire de faire comprendre qu’il ne faut pas venir me faire chier ! Je frappe, j’entre… regard vissé sur la prof, une cinquantenaire à lunettes, haute comme trois pommes et toute bleue ! Sans blague… Des cheveux bleu méthylène aux escarpins en passant par la veste et la jupe… une silhouette de schtroumpf avec un regard noir. Pas le temps de souffler : — Vous êtes Axel ? Hochement de tête. — Et sans langue ?— Oui Madame ! Éclat de rire général dans la classe… Évidemment ! Peut-on être plus empoté que Charles Bovary ? Ben oui, moi ! Même la prof se fend d’un léger sourire amusé. — Allez vous asseoir ! Bien entendu, les places du fond sont prises. Seul le premier rang compte deux sièges vides. Je me hâte de prendre place – histoire de retrouver une contenance un peu digne – près d’une fille brune qui tient obstinément la tête baissée, se cache derrière une longue frange à la Cure et a conservé sur elle son manteau rouge pétant de petit Chaperon… A-t-elle peur du loup ? Je sens trente ricanements silencieux qui viennent rebondir sur ma nuque à la façon de balles de ping-pong. Je me crispe… je me tends comme un arc… sur le point de décocher trente flèches de rage. Qu’on ne m’interroge pas ! Qu’on me foute la paix ! L’autre, le Chaperon ...
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