1. Lola


    Datte: 17/03/2019, Catégories: amour, nonéro, portrait,

    La petite fille se promenait au milieu du chemin, en sautillant. Elle devait avoir huit ou neuf ans. Ses cheveux blonds flottaient au vent et encadraient un visage couvert de taches de rousseur. Elle portait une blouse à manches courtes et une petite jupe à volants. Ses pieds étaient chaussés de sandalettes et de socquettes blanches. Quand elle allait à l’école, elle s’habillait, comme toutes ses copines, d’un top lui découvrant le nombril et de jean’s, mais elle était en vacances, et sa maman préférait qu’elle s’habille comme une vraie petite fille ; ça ne lui déplaisait d’ailleurs pas, et Lola (on l’avait appelée Lola en souvenir de Dieu sait quelle actrice) avait l’impression de jouer « Martine à la ferme » que sa maman avait exhumé du fond d’une armoire pour le lui faire lire ! Au fond, à l’école elle s’habillait comme les autres pour ne pas passer pour une gourde, mais elle se sentait bien mieux dans ces vêtements qui, au moins, laissaient passer l’air tiède de ce mois d’avril. Elle n’allait nulle part, sur ce chemin. Elle se disait qu’une fois au bout du champ, elle ferait demi-tour, ou alors elle verrait bien… Pour l’instant, elle profitait pleinement de ce que tous ses sens lui offraient : le rouge des coquelicots qui bordaient le champ sur sa gauche – un champ de quoi, d’abord ? de blé, peut-être, comme ses cheveux… - les senteurs fraîches et humides venant du petit bois sur sa droite, le vent qui faisait voler ses cheveux dorés et qui s’insinuait sous sa jupe, la ...
    ... faisant ressembler à une drôle de petite cloche à deux battants… Elle n’osait pas le dire, mais elles l’énervaient, ses copines qui se pâmaient devant « Star’Ac et Cie » ; elle préférait lire, mais allez donc leur faire comprendre ça… Lola entendit au loin comme un grondement d’orage et sentit l’air se charger d’une humidité soudaine. « Ce n’était pourtant pas encore la saison », se dit-elle, « Bon, alors, y a plus à réfléchir, au bout du chemin, je prendrai à droite en longeant le bois pour rentrer directement à la maison. » Et, toujours sautillante, elle continua son chemin en chantonnant… L’homme porta la bouteille de bière à ses lèvres et en but une longue rasade. Du bout de la langue, il rattrapa in extremis une goutte qui avait failli s’échapper. « Oh là, où penses-tu aller comme ça, tu allais te perdre au lieu de me faire du bien, blonde gouttelette… ». Il rit silencieusement de ses propres bêtises ; depuis toujours, il avait parlé aux objets, parfois presque autant qu’aux gens. Quand il pelait un oignon, il ne pouvait s’empêcher de s’adresser à lui, de lui dire qu’il ne voulait pas lui faire de mal, qu’il était obligé de le déshabiller pour pouvoir accéder à ses rondelles, et que, en quelque sorte, les oignons devaient plutôt se sentir honorés de pouvoir, par leur goût et leur parfum, donner tant de plaisir aux hommes ! Mais il s’adressait aussi bien à ses chaussettes qu’à la lampe de chevet. Quand il éteignait la télé, il lui disait toujours merci. Au début, c’était ...
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