1. Les sentinelles


    Datte: 19/03/2019,

    ... les galbes, la lumière douce, la moquette épaisse, le comptoir en vieux bois massif, les fauteuils en velours lie-de-vin, tout exhale la richesse, les ors d’une tradition ancienne. Elle avale l’alcool. Qui lui brûle le ventre. Electricité. Elle étire ses jambes, gémit doucement. Sourit. Souris. Dans le salon bleu, les deux hommes s’occupent d’elle à tour de rôle. L’un passant derrière, l’autre devant. L’un regarde, puis l’autre. Puis l’un rejoint l’autre. Il y a des miroirs dans lesquels elle les observe faire. Et son visage à elle démultiplié qui halète, qui mord son bras, ses mains, leurs mains à eux. Ils ont gardé leurs loups. Mais cela n’a pas d’importance puisqu’elle ne les voit pas vraiment. Une lumière chaude et douce dessine des meubles autour d’eux. Un canapé en cuir. Un secrétaire empire. Deux fauteuils aux reflets pétrole. De temps à autre, des gens s’arrêtent devant la porte ouverte et étudient les ébats. On murmure, on chuchote. Un homme s’enhardit, vient poser une main sur elle. Tente sa chance. Qu’elle donne quelquefois. La tension s’évacue. Par son bas-ventre et jusqu’à eux. Elle leur dit des mots, des choses qu’ils ne comprennent pas. Elle se confie, bizarrement, sans cohérence, mélange les mots des séances, mélange les mots de ses patients, mélange les mots dans sa tête. Qu’ils récupèrent la merde. Qu’ils la digèrent à leur tour. Elle ne peut pas encaisser toute seule. Ses peurs la dévorent. Il faut que quelqu’un l’aide. Qu’on mange un peu de l’affreuse ...
    ... tension qui passe par ses veines, dans son sang. Le plus grand la retourne sur le dos, la regarde avec énervement. Elle dit : — Va te faire foutre, tu veux me bouffer le cerveau. Il a un léger mouvement de recul, vérifie son préservatif, regarde le deuxième homme et reprend de plus belle. — Espèce de tarée. C’est comme ça que tu veux que je te baise ? C’est comme ça ? Et il redouble de vigueur, tandis qu’elle sourit tranquillement.Oui, c’est comme ça que je veux. Sale connard. Elle baisse la tête. — Je ne peux pas la porter seule cette tension, murmure-t-elle plus pour elle-même que pour les deux étalons. L’homme ricane, glisse quelques mots à l’autre homme qui le remplace. Plus sûr de lui, plus déterminé. — Je sais ce que tu veux faire. Je le comprends. Il va lentement. Il la retourne régulièrement. Dos / Ventre. Ventre / Dos. Il approche sa bouche de son oreille. — Tu mériterais d’être enfermée, toi. Ça te plaît de jouer les dingues ? Tu en es une ? Vraiment ? T’es une putain de dingue ? Des mouvements font vaciller les flammes des bougeoirs. — Quoi ? Qu’est-ce que tu as dit ? demande-t-elle. Mais il ne parle plus, la plaque avec force sur le sol, se contentant pendant un temps relativement long encore de se frayer un chemin en elle. Dans son ventre. — Quoi ? répète-t-elle. Putain, tu as dit quoi ? Mais l’homme s’est retiré. Et un autre, un nouveau a pris sa place. Il marque un temps d’arrêt. Mais ni les larmes ni la soudaine froideur de Christine ne l’arrêtent. Pas plus que ...