Ainsi qu'en un bois noir
Datte: 23/04/2019,
Catégories:
fh,
Collègues / Travail
amour,
... du 605 ? » Bien difficile de jouir d’un quotidien organisé selon le plan comptable. Alors son amie, adepte des cinq-à-sept sans lendemain, qui épuisait trois amants par an, lui conseilla son site de rencontres, ne serait-ce que pour se distraire et qui sait… « Tu restes anonyme, tu ne risques rien. » finit-elle par la convaincre. Ainsi Catherine, cachée derrière un pseudonyme dépourvu de description, ni de son physique, ni de ses désirs, jouait-elle depuis quelques semaines à ponctuer ses longues heures de travail par la lecture de messages de pervers, de frustrés, de sadiques, de benêts naïfs ou de gentils pères de familles emberlificotés dans des fantasmes mal assumés. Elle n’avait aucune envie de les croiser dans une quelconque réalité, ou plutôt, elle avait déjà le sentiment de les croiser partout et les lire suffisait à distraire son ennui. Pourtant depuis qu’elle recevait des messages de « Vous aimer », elle ressentait quelque chose de différent, l’hypothèse d’un jeu qui se prolongerait dans la réalité ne lui paraissait plus tout à fait aussi absurde. Elle se surprenait de plus en plus souvent à penser à lui, à imaginer les mains qui pianotaient ces poèmes pour la séduire. Elle avait même rêvé une nuit que ces mains quittaient le clavier pour se poser sur son corps. Elle s’était réveillée en sursaut en proie à une excitation inhabituelle. Est-ce que ça n’allait pas trop loin ? Catherine ne se sentait pas prête à franchir le pas. Pas encore. Il fallait le faire ...
... attendre, être plus sûre. Après tout, un pervers pouvait se cacher, malgré les apparences, derrière le poète. On sait les dangers d’Internet, toutes ces histoires qui circulent… Pour ne pas affronter son désir, Catherine agitait toutes les angoisses, toutes les peurs les plus irraisonnées. C’est animée de cet état d’esprit qu’elle commença une réponse destinée, souhaitait-elle, à garder le prétendant à distance. [envoyer] Et Catherine se précipita dans les escaliers pour faire le pied de grue avec ses collègues à cinquante mètres du bâtiment principal de l’entreprise, lieu de ralliement sauf en cas d’incendie. L’exercice d’évacuation était biannuel, rien de surprenant, une routine parfois distrayante quand elle ne précipitait pas le personnel au grand complet sous un déluge. Le temps était clément et Catherine emporta son smartphone pour reprendre le message interrompu. Mais elle avait un peu perdu le fil de sa pensée initiale. Dans la rue, au soleil, elle n’était plus très sûre de la distance à laquelle elle souhaitait maintenir cet inconnu attirant. •••••• Lorsque l’alarme incendie résonna, Armand ne se précipita pas. Sa bibliothèque bénéficiait d’une sortie de secours directe vers l’extérieur qu’il devait emprunter. Il arrivait en conséquence toujours avant les autres au point de ralliement, qui plus est sa sortie passait inaperçue et n’était donc pas comptabilisée dans les performances de l’évacuation, scrupuleusement chronométrée par les "responsables sécurité" au brassard ...