Ainsi qu'en un bois noir
Datte: 23/04/2019,
Catégories:
fh,
Collègues / Travail
amour,
... smartphone sur lequel il reconnut sans peine l’interface rose et noire du site de rencontres adultères. Catherine, la Catherine de la compta, c’était donc elle. Armand ne l’avait jamais véritablement envisagé. Il avait eu affaire à elle une fois pour une histoire de facture de fournisseur qui n’avait pas été réglée. Elle avait résolu le cas avec une efficacité très professionnelle et leur relation s’était arrêtée là. Ils se croisaient rarement dans les locaux de l’entreprise, jamais en dehors. Armand ne criait pas victoire pour autant. Il voulait une certitude. De retour dans son antre de silence, il s’affaira donc sans conviction sur un dossier concernant les usages non alimentaires des caroténoïdes en attendant la suite du fameux message interrompu. L’image encore un peu floue de Catherine-de-la-compta tournait dans son esprit, se mélangeant au souvenir des nombreux messages qu’ils avaient échangés et qui depuis quelque temps glissaient vers une expression plus intime dont l’issue fatale devait être une rencontre. Il avait du mal à faire correspondre cette image à l’impression qu’il s’était forgée d’« Être aimée ». <Vous avez un nouveau message> Plus de doute : Armand avait entendu cette anecdote, déjà, sur le trottoir et il revoyait très bien Catherine au milieu de ses collègues de la compta écoutant la blague de la standardiste. Un bref instant il eut le sentiment de vivre une situation des plus favorables : lui savait, elle ignorait, cela lui conférait une sorte de ...
... puissance, un pouvoir, un poste d’observation pour décider où il souhaitait aller avec cette femme, une position idéale pour la conquérir, ou pas. Mais lorsqu’il voulut renvoyer des propos légers et drôles, salés et romantiques, poétiques et surréalistes, rien ne vint. Il glosa à propos de l’anecdote de la standardiste sur le ton de « Je n’aimerais pas être de ses copains ». Il marqua sans humour son empathie pour les journées tristes de Catherine et il lui proposa sans conviction une rencontre. Pendant deux ou trois jours les messages d’Armand furent empreints de cette même banalité. L’image de Catherine plombait son aptitude à s’envoler vers des fantasmes lyriques, vers des rêves enfiévrés. Avec « Être aimée », les mots se dérobaient depuis qu’il avait mis le nom, le visage, la voix, le rire de Catherine derrière ce pseudonyme. À l’inverse, cette soudaine retenue d’Armand, cette timidité nouvelle et inexpliquée semblait exciter Catherine qui, sans lui en faire reproche, multipliait les sous-entendus, les équivoques destinés à raviver son désir. Armand songeait à tout arrêter, pour lui maintenant l’aventure était pervertie et vouée à l’échec. Pourtant, paradoxalement, plus il songeait à la réalité de Catherine, qu’il épiait dans les locaux de l’entreprise, notamment à la cantine qu’il se mit à fréquenter aux mêmes heures qu’elle, et plus il se sentait séduit. Catherine n’avait rien de Cécile. Plutôt petite, cette dernière séduisait par des rondeurs généreuses et une chaleureuse ...