1. Elle et Elle (1)


    Datte: 23/06/2019, Catégories: Lesbienne

    Si tout s’était passé comme prévu, nous aurions dû être heureux pour toujours. Tout ne s’est passa pas comme prévu. Un an après avoir épousé l’amour de ma vie, Monsieur m’annonça en vrac que tout était fini, qu’il m’avait trouvé une remplaçante, que j’allais prochainement recevoir les papiers du divorce, que j’étais priée de déménager tout de suite parce que, bon, l’appartement était à son nom, et que ça serait mieux si je ne faisais pas trop d’histoires. Je me retrouvai à la rue, comme ça, du jour au lendemain, avec mon sac de voyage, à essayer de ramasser les miettes de mon petit cœur et à me pincer très fort pour me réveiller. Je ne pleurai même pas : je crois que ça faisait trop d’un coup. Alors quoi ? Qu’est-ce que j’allais faire ? Rentrer chez ma mère ? Exclu. Un de mes ex ? Je n’en avais pas tant que ça et je crois que je me serais sentie sale de tenter ce coup-là. Non, il n’y avait qu’une solution envisageable : appeler Laetitia. Est-ce que j’aurais dit qu’elle était ma meilleure amie ? Je ne publiais pas de classement, mais dans la mesure où c’est le seul nom de copine qui me soit venu à l’esprit, il faut croire que oui. Laetitia et moi, c’était fusionnel depuis le début. On se connaissait depuis la fac, il n’y a pas si longtemps que ça, finalement, et entre elle et moi ça avait tourné immédiatement au coup de foudre amical : on se disait tout, on se donnait des petits surnoms mignons, on pouvait s’appeler au milieu de la nuit, on était tout le temps à se faire des ...
    ... câlins, c’était ma bouée, ma batterie, et, en l’occurrence, mon refuge. Vous voyez le genre. Donc ce terrible matin, je sonnai chez Laetitia. Elle venait de me donner son feu vert par téléphone (« Mais enfin ma chérie bien sûr que tu peux habiter chez moi. Viens vite. ») Elle ouvrit la porte, et m’apparut ravissante. Ma pote portait un polo noir ajusté à sa taille de guêpe, une petite jupe fleurie, légère et printanière, et ses cheveux noirs étaient noués en deux nattes d’écolière. Comme toujours, ses lèvres étaient maquillées d’un rouge franc et luisant. Oui, elle avait beau être professeure assistante en lettres classiques ou quelque chose comme ça, elle avait toujours son air de lycéenne – c’était exaspérant, pour être franche. Moi aussi, je m’étais faite belle, presque comme pour un rendez-vous – je crois qu’être présentable, ça m’aidait à rester debout alors que j’étais au bord du chaos. Elle sourit dès qu’elle me vit, me demanda d’entrer dans un petit souffle rauque. Moi, dès que j’eus franchi le seuil, je fondis en larmes, enfin. Il fallait s’y attendre, j’imagine. Je me réfugiai dans ses bras, logeant ma joue dans le creux de son cou. Elle m’emmena dans le salon et des deux prochaines heures, je n’en gardai pas de traces : c’était la lamentable confession de l’échec de mon mariage, un monologue pathétique entrecoupé de sanglots, de transmissions de mouchoirs, avec Laetitia qui faisait de son mieux pour endiguer le tsunami de mon chagrin en me réconfortant de sa voix ...
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