1. Natasha & Franck (33)


    Datte: 30/08/2020, Catégories: Transexuels

    ... chasse. Le tracé de la chaussée réclamait patience et dextérité aux conducteurs des attelages les plus longs qui se croisaient dans les virages en épingle. Puis, la route reprenant un circuit aux courbes moins agressives, le trafic s’étira pour retrouver, sans autre explication plausible que l’enlèvement soudain par des extraterrestres, une fluidité digne de la faible densité de l’habitat. Notre migration vers le Nord retrouva son rythme de croisière lorsque nous eûmes laissé derrière nous celles sur le fjord, jusqu’à ce qu’un autre nous barre la route. Mais point de touristes en goguette pour cette traversé sur le ferry, sinon quelques camping-cars que l’on rencontrait sur n’importe quelle route du pays. Nous vidâmes machinalement notre bac à Linge avant de reprendre l’ascension des montagnes. Le pays multipliait les descentes, montées, tunnels et virages dans des paysages fastueux. La route longeait le fjord sur quelques kilomètres avant de s’élever, tranquillement tout d’abord, au pied du relief, s’insinuant dans la vallée. Ce fut l’occasion de faire une brève halte pour acheter un produit frais local : des fraises. Il fallut enfermer Natasha dans le véhicule car, avec son appétit monstre, elle aurait dévoré à elle seule la moitié de la production de Valldal. Le convoi s’élança à nouveau, traversant des paysages où l’on devinait, cachées par la verdure, de très rares habitations – toujours en bois et souvent recouvertes d’un toit végétal – qui rappelaient que la ...
    ... civilisation était bel et bien là quelque part. Les routes norvégiennes n’incitaient pas à rouler vite, mais ici il fallait se faire violence pour avancer, même au pas. Le fjord ayant englouti les nuages, nous retrouvâmes une luminosité qui jouait les pyromanes dans les crinières rousses. Natasha souhaitant profiter du cadre majestueux, Sigrid proposa de stopper au sommet et d’y camper, en pleine nature. Premiers arrivés, premiers servis, nous nous installâmes au bord d’un torrent qui nous chanterait une berceuse toute la nuit. Enfin, nuit… le soleil passerait sous l’horizon mais le crépuscule faisant office de période nocturne serait encore plus court que celui de la veille, nous prévint Sigrid. Plus de mille kilomètres nous séparaient du cercle polaire, mais les effets de la latitude nordique devenaient de plus en plus évidents. Allongés dans la bruyère, chacun rêvait, le regard perdu sur les montagnes et la lande. Quelques plaques de neige éparses constellaient ce paysage digne duSeigneur des Anneaux. Il ne faisait pourtant pas froid, ni même frais : nous étions tous en tee-shirt. ─ Si ce n’était pas aussi douloureux et épuisant, j’aimerais me transformer en animal et courir dans ce décor. ─ Ah oui ? Mais aurais-tu conscience de la beauté des lieux ? Quand tu t’es changée en ourse, pensais-tu en tant que Natasha ou avais-tu juste un instinct animal ? ─ Je ne sais pas trop. C’était si rapide, si douloureux et si violent que je n’ai pas pu me concentrer sur cela. Je dirais… ...
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