1. Compagnie solitaire


    Datte: 22/10/2020, Catégories: cérébral, Oral pénétratio, délire, sf,

    ... spatiale et les états confédérés ? Je lui ai répondu sur un ton neutre, quasi mécanique… Même Sheila aurait fait preuve de plus d’humanité. Détectant une baisse de moral préjudiciable à notre mission, Sheila m’a alors questionné sur mon épouse, sur les sentiments que j’éprouve encore pour elle. La gynoïde fait ça très bien, simulant à merveille l’empathie, l’intérêt, avec même cette pointe d’humour provoquant qui la rend si… désirable. La bonne marche du vaisseau – automatique – n’exigeant que très peu d’attention de notre part, nous avons beaucoup parlé : de ce que nous aurions à accomplir une fois à destination, mais aussi de moi, de mes attentes, de mes rêves. Bien que ses zones mémorielles soient bourrées d’un savoir encyclopédique, Sheila n’a aucun passé, aucun souvenir personnel. Aussi, durant nos longs tête-à-tête, je lui demande souvent de me lire des romans policiers et des récits d’aventure. Ou plutôt, de me les réciter. Ma « liseuse » s’acquitte de cette tâche avec plaisir, s’appliquant à retranscrire, par ses intonations et expressions faciales, toute la subtilité des émotions humaines. L’illusion est parfaite. La passion fait briller ses yeux d’émeraude, anime ses lèvres pleines et soyeuses, soulève sa poitrine sur le rythme rapide et oppressé de la lecture. Comédienne en pleine représentation, elle est plus alerte et vivante que ne le sera jamais Isabel. Durant ces moments privilégiés, j’en arrive presque à oublier que j’ai affaire à une machine, une ...
    ... Shéhérazade bionique capable de conquérir le cœur du plus sanguinaire des sultans, palais volant ou pas. Je ne peux m’empêcher de trouver cette chimère blonde… séduisante. Oui, vraiment très attirante, je dois dire. Dans ma situation, ressentir du désir pour une I.A. n’est pas éthiquement condamnable. Depuis l’avènement des homéoputes et du porno synthétique, le sexe « industriel » est devenu la norme, au moins dans les relations tarifées. D’autres que moi, d’ailleurs, se seraient jetés sur elle depuis longtemps… Faire l’amour à une femme-objet n’est qu’une variante raffinée de la masturbation, après tout. Pas de quoi fouetter un chat, ni éprouver le moindre sentiment de tromperie à l’égard d’Isabel… Laquelle, à quelques trillions de kilomètres de là, ne doit pas se gêner pour s’envoyer en l’air ! Pourtant, je ne tente rien. Je me contente de rester assis, le regard dans le vide, écoutant inlassablement ma compagne cybernétique me « raconter » la vie sur terre, et ses intrigues labyrinthiques au cœur d’immenses mégalopoles… *** À la fin d’un roman noir plus sanglant que les autres, Sheila émet pour la première fois une objection : — Tu n’en as pas assez, de toute cette violence ?— Tiens, et depuis quand les robots se piquent-ils de littérature ? ai-je répliqué, plus sèchement que je n’aurais dû.— Excuse-moi, mais on m’a dotée d’une certaine sensibilité. Et à mon sens, il y a des œuvres bien plus émouvantes et réjouissantes…— Ah oui ? Tu veux me faire croire que tu as des préférences en ...
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