Un cœur sur l'autoroute
Datte: 16/03/2021,
Catégories:
fh,
médical,
voiture,
collection,
odeurs,
Masturbation
Oral
policier,
roadmovie,
... l’empêche pas de la regarder droit dans les yeux. Les regards se croisent et se soutiennent.Lui n’est pas hautain comme certains de ses collègues, pense Lucie. La glacière est déposée avec précautions dans le coffre, bien calée et maintenue par une sangle. Lucie démarre, deux-tons en fonction, et fonce dans les allées de l’hôpital. Le rideau de pluie est si dense que les essuie-glaces, à leur vitesse maximum, peinent à l’évacuer. Les rues de Nantes, habituellement animées de fêtards à cette heure, sont désertes, et pour cause : l’alerte météo de couleur rouge est en cours jusqu’au matin, et la préfecture recommande à la population de rester chez soi. Même les bars de nuit ont le rideau baissé. La lumière bleutée du gyrophare suffit, sans qu’il soit nécessaire de réveiller les gens. Les immeubles du centre-ville, déjà naturellement penchés, ressemblent encore plus à des fantômes, ou un tableau d’Egon Schiele, avec leurs rares fenêtres illuminées. — Vous y voyez quelque chose dans cette purée, s’inquiète Dionys ?— Ne vous inquiétez pas : j’ai l’habitude de conduire, y compris dans des conditions difficiles, et je vous emmènerai à Necker en trois heures, comme promis. Avec une circulation aussi faible, nous devrions même arriver avec un peu d’avance. Elle s’engage sur l’autoroute et accélère à fond. Le diesel, qui accuse déjà trois cent mille kilomètres, proteste de quelques soubresauts, mais obéit, et l’ambulance monte progressivement à cent soixante-dix, rivée sur la file de ...
... gauche. Quelques lanternes arrière de camions se précipitent une à une pour disparaître aussitôt. D’abord crispée par l’enjeu de sa mission, Lucie se détend. Elle ne se sent bien que lorsqu’elle a le volant bien en mains, comme à présent. Pour autant, elle reste totalement concentrée sur sa conduite. Dionys, lassé de regarder défiler le ruban autoroutier, détaille le visage de l’ambulancière dans la faible lumière ambiante de l’habitacle, essayant de deviner son âge. Pas facile : ses traits sont fins et réguliers, mais de profondes rides lui parcourent le front. Alors, il lui demande. Il est obligé de presque hurler, tant le ronflement du moteur est fort. — J’ai trente-huit ans, répond-elle. Je sais, j’en parais plus. C’est parce que j’ai eu des soucis.— Vous habitez dans la région ?— Non. Je n’habite nulle part. Je vis dans mon ambulance. C’est pour ça que je sens mauvais. Je sais que ma réputation me colle à la peau, c’est le cas de le dire, bien que les gens n’osent pas en parler franchement devant moi. Dionys est de plus en plus fasciné par ce visage impassible allié à cette voix paisible qui révèle peu à peu la femme qui se trouve près de lui. — Des soucis ? Vous manquez d’argent ?— Non, ce n’est pas cela : j’ai ce qu’il me faut pour vivre. Il y a juste que ne supporte plus de dormir sous un toit. Je vais vous raconter.— Faites attention à la route, quand même.— Ne vous inquiétez pas. Une nuit, il y a dix ans, je me trouvais comme maintenant au volant de mon ambulance ...