Un cœur sur l'autoroute - Histoires de Sexe

Un cœur sur l'autoroute

... quand mon téléphone portable a sonné. C’était ma mère. Il était arrivé un accident à ma fille de deux ans, pendant qu’elle jouait. Elle est juste tombée dans l’escalier, en jouant à l’heure où elle était censée dormir. Chute mortelle. Le ciel m’est tombé sur la tête. Je remplaçais un collègue absent en dernière minute. Depuis, je me suis séparée de mon mari. Il n’y a plus qu’une chose qui m’apaise : conduire. N’importe où, n’importe quel véhicule ; celui-là me convient très bien. La route m’apaise, ou du moins, m’apporte un semblant d’apaisement. Autrement, je n’ai plus goût à rien. Alors, je suis à chaque fois volontaire pour les transports de patients à l’heure où mes collègues dorment, et pendant mes temps de repos, je navigue au hasard, et je dors sur mon siège quand je n’en peux plus de rouler. Depuis cette nuit maudite, j’ai dû parcourir un million de kilomètres, au moins. Vraiment, ma terrible odeur ne vous incommode pas, Docteur ? Son visage est impassible et sa voix ne tremble pas quand elle raconte sa tragédie. En posant sa question, elle insiste sur l’adjectif terrible et a un petit rire, comme font souvent les femmes pour dissimuler leur émotion. — Pas du tout, sincèrement. Vous pouvez m’appeler Dionys. Nous avons un bout de chemin à parcourir ensemble… Lucie, au prénom de femme-lumière, et cependant plongée dans la nuit depuis si longtemps. J’espère que le jour se lèvera bientôt pour vous.— Et vous, vous avez des enfants ?— Non. Enfin, si, un fils qui s’appelle ...

... Marko et qui a trois ans, mais ce n’est pas moi qui m’en occupe. C’est une histoire étrange, du temps où j’étais neurologue à Lariboisière. J’ai eu une relation sexuelle avec la compagne d’une patiente que j’ai soignée. Cela s’est passé sur le parking de l’hôpital, dans ma voiture. Et pourtant, elles sont lesbiennes. Je ne sais pas pourquoi elle a accepté. C’est pour moi un mystère qui parfois m’empêche de dormir. Toujours est-il qu’elle est tombée enceinte et qu’elle a eu cet enfant qu’elle élève avec son épouse – car elles se sont mariées.— Vous le voyez, quelquefois ?— Non, jamais. Pourtant, sa mère m’envoie des photos de mon fils à chaque anniversaire, et me propose de faire sa connaissance. Mais si je venais, j’ai peur… peur pas de ne pas être capable de repartir. Sans doute est-ce de la lâcheté de ma part.— Vous devriez, pourtant, doct… Dionys ! Tant qu’il vit près de vous…— Vous avez sûrement raison. Nous autres, les hommes, avons des difficultés à gérer ce genre de situation. Et je travaille tellement…— Quand vous vous levez, le matin, pour aller travailler, au moins, vous ne vous demandez pas si ce que vous allez faire dans la journée est utile : vous sauvez la vie de gens. D’enfants. De personnes fragiles. En quelque sorte, vous êtes un héros du quotidien. Malgré votre réputation de séducteur invétéré qui vous a précédé ici, et qui ne vous empêche pas de travailler.— N’exagérons pas : vous aussi faites un boulot utile. Je n’ai aucune condescendance envers les autres ...