1. Havre de paix (1)


    Datte: 26/03/2021, Catégories: Hétéro

    « Non à la réforme ! » Au milieu des cris de la foule, un énorme pétard d’artifice explosa en pleine rue, l’écho assourdissant se répercutant contre les façades. Les hurlements des casseurs et les détonations sèches caractéristiques des cartouches lacrymogènes ne couvraient même pas les bris de verre des vitrines des commerces adjacents. Comme trop souvent, il suffisait d’une poignée d’individus survoltés et peu scrupuleux pour faire basculer une paisible manifestation en une bataille rangée avec les forces de l’ordre. Amélie avait été séparée de son groupe d’amis dans la cohue ambiante, et se retrouvait bien malgré elle dirigée vers la ligne de front en direction du boulevard, où les éléments les plus radicaux harcelaient les policiers de pierres et de bouteilles en verre. Etudiante en licence de sciences du langage, plus encline à s’exprimer sur les réseaux sociaux ou en soirée avec ses connaissances, elle n’avait pas grand-chose à voir avec les individus encagoulés et vêtus de noir qui faisaient mouvement pour casser du flic. Elle regrettait déjà d’avoir mis son sarouel bouffant et ample, qui la gênait considérablement et l’empêchait de partir rapidement de la masse remuante qui la coinçait, se poussant, se bousculant et s’écrasant même. « Projectiles ! » Le rang de porteurs de boucliers resserra les rangs en rentrant instinctivement la tête dans leurs épaules. La section 4 Alpha de CRS était à pied d’œuvre depuis le début de l’après-midi, quand les manifestants venus ...
    ... en famille protester de manière bon enfant avaient laissé place dans la rue à des furieux qui cassaient tout ce qu’ils pouvaient. Une énième salve de bouteilles s’écrasa aux pieds des hommes casqués et vêtus de noir, suivie par un nouveau départ de bruyantes grenades de désencerclement. Romain n’avait pas peur, mais comme tous ses collègues, il était pleinement concentré sur la scène qui se déroulait devant ses yeux. Il fallait identifier les plus radicaux et virulents « d’en-face », pour chercher à les interpeller en priorité si l’officier ordonnait une charge. Il avait 23 ans, et il avait choisi ce métier pour l’action. Mais il se désolait du chaos ambiant, et même de la stupidité des casseurs. Pourtant, une silhouette tranchait au milieu des formes noires et encagoulées. Une jeune fille, au pantalon trop large chatoyant, qui plutôt que de jeter des pavés tentait de se glisser derrière les furieux. Elle n’était pas à sa place ici, elle ne partageait pas la haine qui soudait les casseurs, qui les plaçait pile à cet endroit. Romain sut d’emblée qu’elle n’avait rien contre lui, tout comme lui ne lui reprochait pas les pierres qui pleuvaient. Un long coup de sifflet, et les CRS, chauffés à blanc, s’élancèrent au contact. La balayeuse faisait glisser dans le caniveau des monceaux de détritus divers, canalisés par l’eau mêlée de produit. Les équipes de la ville commençaient à s’affairer en ce début de soirée, la manifestation ayant pour l’essentiel été dispersée et les groupes ...
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