La reine des fourmis
Datte: 09/07/2021,
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... prétendument libéré fréquente nécessairement ce genre d’endroit. D’où un décalage énorme entre ce qui était proposé et ce qui se tramait. Il méprisait ces types qui avaient mis leur plus beau costard pour se donner de l’importance, et qui étaient tellement grotesques lorsqu’ils dévoilaient leurs slips kangourou, le pantalon tirebouchonnant sur les chevilles. Il prenait en pitié ces femmes sans glamour dont le seul côté sexy tenait à leur panoplie (jupe courte et sempiternel porte-jarretelles) et qui, telles des poupées mécaniques ou inertes, se laissaient baiser ou suçaient des queues sans l’once du moindre plaisir. Certes, il n’en était pas toujours ainsi, mais il ne comprenait pas pourquoi ces gens venaient ici. Il estimait que le libertinage, pas cette pâle imitation frelatée, était dévoyé dans ce genre d’endroit et que la chair y était souvent triste. Il fut une autre époque où il n’en était pas ainsi. Sa mère qui n’était pas avare de confidences lui avait narré l’époque où les partouzes étaient des vraies partouzes, festives et colorées, où l’apparat et les préliminaires avaient beaucoup d’importance, où les gens, initiés ou débutants, étaient triés sur le volet, où il n’existait, hormis les lieux privés, que très peu de boîtes de nuit dédiées à ces plaisirs. Bref, c’était l’époque où il fallait être motivé pour franchir le pas, à l’opposé de la société actuelle qui banalise le sexe à des seules fins mercantiles. La sonnerie de l’interphone vient interrompre le fil de ...
... ces souvenirs à la sauce aigre-douce. Pourtant il est bien sûr de n’avoir invité personne. Impensable le jour de son anniversaire. — Martial ? C’est pas possible, tu es là ? C’est Alice, je passais dans le quartier, je te dérange je suppose…— Pas du tout, monte, je t’attends. Alice. Il l’avait draguée à l’époque où il traînait dans le Quartier Latin à la recherche de chair fraîche. Mais il n’était jamais arrivé à rien avec elle, compliquée, exigeante. Cela dit, ils était toujours restés en contact. Ce n’était pas si courant dans sa vie, des femmes avec qui parler. Leurs coups de fil et leurs petits cafés s’étaient nettement espacés depuis qu’elle s’était mariée et avait eu ses deux enfants. Qu’est-ce qu’Alice, la sainte-nitouche, pouvait bien avoir en tête en sonnant chez lui à onze heures du soir ? Trois coups à peine audibles sont frappés à la porte d’entrée. Elle reste sur le seuil, dansant d’un pied sur l’autre : — Ma cousine n’habite pas très loin d’ici, elle vient de divorcer et se retrouve avec des affaires qu’elle ne veut plus. Je suis passée la voir pour les récupérer. Ce n’est pas souvent que j’ai l’occasion de venir seule à Paris. Qu’est-ce que c’est agréable par un soir de juillet de voir les gens flâner ! En banlieue, les rues sont vides le soir. Je n’avais pas envie de rentrer tout de suite. Ma cousine est bavarde, à deux ou trois heures près, mon Jules n’aurait pas vu la différence. Alors, en passant dans ton quartier, je me suis dis « allez, vas-y », tout en ...