Dans le bus
Datte: 23/08/2021,
Catégories:
hplusag,
bus,
cérébral,
revede,
Voyeur / Exhib / Nudisme
Sous l’abribus, il n’y avait personne, sauf Maxime, trente-cinq ans, cadre supérieur. L’été, le soir, la fréquence de passage du bus était diminuée. Tout semblait ralenti. Deux affiches de publicité se succédaient l’une après l’autre derrière la vitre du panneau qui servait aussi d’appui au toit de ce mobilier urbain. Maxime entendit, au loin, le bruit salvateur du bus se rapprochant. Il monta sur le marchepied, salua le conducteur, composta son ticket. Trois personnes y étaient assises de manière éparse, orientées dans la même direction, un choix qui paraissait étudié pour qu’aucun regard ne puisse croiser. Maxime s’assit de manière à leur faire face, à une distance suffisante de la personne la plus proche, pour ne pas être perçu comme le désorganisateur de cet agencement qui se voulait être le gage d’un voyage tranquille. Il adorait les transports en commun. Sa voiture le renvoyait à son individualité, laquelle était souvent redoublée par l’utilisation d’écouteurs diffusant de la musique ou des podcasts. À force, il en avait eu assez d’être enfermé avec lui-même. Surtout, il se plaisait, dans le bus ou le métro, à étudier des gens qu’il ne voulait pas connaître. Maxime voulait quitter cette société saturée d’images et d’écrans, de divertissements à la carte, qui s’était fixé comme but de chasser l’ennui et le vide de l’existence humaine. Il voulait retrouver son propre écran intérieur, celui qui projette sur le monde sa compréhension et ses désirs, et accepte l’idée d’une ...
... extériorité sur laquelle il n’a pas prise. Dans cette société de l’ultra narcissisme, de la mise en scène permanente de soi, dans ce flux virtuel monstrueux où les informations sur autrui sont hyper accessibles et où la protection de la vie privée est menacée à chaque instant, dans ce bain de temporalité accélérée où est constamment mise en avant la vitesse d’exécution, le mystère, l’opacité et la lenteur devenaient des éléments indispensables pour résister à l’uniformité du monde. Les transports publics, qui plaçaient dans un espace partagé, pour une durée limitée, des personnes issues de tous horizons, sans que l’idée de rencontre soit l’objectif assigné, lui semblaient un terrain de jeu idéal. Il prenait plaisir à regarder les gens, tout particulièrement les femmes, et imaginer leurs vies, leurs humeurs du moment, à quelle de stade de leurs vies elles se situaient, leurs désirs secrets, tout cela dans le temps réduit et non maîtrisable du déplacement en commun. Le bus permettait de croiser des femmes qui se révélaient à demi. La qualité des vêtements donnait un premier état des lieux, de nature économique. Les gestes disaient une certaine façon d’être. La forme du visage, le regard, la coiffure, toute la composition du corps faisait sens. Il y avait mille détails et quelques minutes pour tenter de cerner une personne inconnue et son état d’esprit. Jamais il ne souhaitait engager la conversation ou tenter un rapprochement, il avait élaboré dans son esprit les règles de ce ...