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La vie...
Datte: 07/12/2017, Catégories: nonéro,
... ?— …— Tu sais … ton loquet … eh bien, il y a bien longtemps que je le connais et c’est pour rassurer ta mère, que j’avais pratiqué une fente dans la porte, et caché une lame au-dessus de la porte … Le visage humide de larmes, qui redoublent sous le coup de l’émotion qui m’étreint : jamais mon père ne m’avait touché ainsi, jamais il ne m’avait parlé sur ce ton. Je souris. J’esquisse un sourire. — Tu vois, tu sais aussi sourire, me dit-il, en s’asseyant à mes côtés, le bras autour de mes épaules et en m’attirant sur la sienne. Je laisse aller ma tête contre l’épaule réconfortante et consolatrice qui m’accueille, m’attire et m’offre sa protection. Quelques poils de barbe mal coupés me piquent le front, le bout du nez. La chaleur du cou, la tendresse de la peau, l’odeur de l’after-shave mêlée à celle de la sueur aigrelette, la douceur de la main qui est collée contre ma joue … les souvenirs, les odeurs, les regrets … tout remonte à la surface … ce geste de tendresse si … exceptionnel, si rare et je le souhaitais depuis si longtemps … depuis … toujours. Décidément, tout se ligue pour accentuer mes soudaines larmes … et je redouble de sanglots … les larmes coulent sur mon visage. Elles descendent le long de ma joue, de mon nez, trempent le col de chemise de mon père. La main sur ma joue se fait plus pesante. Le bras qui m’entoure me serre un peu plus fort … Seuls, mes hoquets troublent le silence du grenier. Je reste prostré, à l’abri du cou paternel pendant … je ne sais ...
... combien de temps, car j’avais tant besoin de vivre ce moment, j’avais tellement espéré le vivre que maintenant qu’il est là, j’en profite, j’en use et j’en abuse. Enfin, quand mes sanglots et larmes semblent se calmer, tendrement et sans bouger, mon père commence à parler. — Je sais que tu traverses l’enfer, en ce moment … Je sais que ce n’est pas une période facile pour toi, tes enfants, ta femme, ton couple … Mais la vie n’est pas seulement faite de moments heureux … Elle est aussi faite de difficultés, d’erreurs, d’errances, de recherches, de tâtonnements … La Vie, celle avec un grand "V", ce n’est pas une autoroute, rectiligne. Non, ce n’est pas une autoroute … Mon père parle, de sa voix grave, chaude et douce. En réalité, il ne parle pas, il murmure, comme s’il se parlait à lui-même, de temps en temps il hésite et bute sur les mots, comme pour mieux les choisir … — Tu vois, la vie avec un grand "V", c’est comme … c’est comme en montagne. Tu vois, c’est un tout petit sentier de montagne, un sentier de rien du tout, qui monte et descend et remonte, zigzague en permanence, dont on perd quelquefois la trace, puis que l’on retrouve. Certaines fois, c’est toi qui la retrouves, de temps en temps c’est ton équipier et de temps en temps c’est un autre promeneur qui croise ton chemin… Il n’y a pas de carte qui en porte le tracé … Quand tu es en pleine forme, tu peux monter tout droit, couper certaines difficultés … et puis quand tu es fatigué, le moindre cailloux devient un écueil ...