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La vie...
Datte: 07/12/2017, Catégories: nonéro,
... ne fonctionne plus depuis longtemps … mais, rangés dans son meuble, les piles de 45 et de 33 tours d’époque, que j’écoutais en boucle au grand dam du paternel et des oreilles maternelles. Je m’approche de la fenêtre crasseuse, et avec mon avant-bras, j’en frotte vigoureusement le carreau pour décoller un peu la crasse si longtemps accumulée. En bas, dans le jardin, mon père, en trop parfait grand-père, occupe mes enfants. Tranquillement, je me penche vers l’étagère, m’empare d’une série de cahiers jaunis, ternis, racornis, crasseux et me laisse choir sur le vieux canapé qui, sous mon poids, gémit, s’avachit et laisse monter dans l’air un nuage de poussière qui pique aux yeux et me fait tousser. Sous mes doigts, les pages jaunies, alignent des écritures maladroites, recueils de mes imaginations de l’époque où tout semblait permis, autorisé où ma vie s’écrivait en bleu. Ces moments privilégiés où les adultes oublient juste de vous signaler que vivre ce n’est pas aussi facile que cela ne paraît. Toutes les pages ne sont pas remplies et, au fur et à mesure, que je les feuillette, le blanc jauni du papier devient de plus en plus important … pour finir sur des pages vides. Vides comme ma vie d’aujourd’hui. Même mes cahiers, je n’arrivais pas à les remplir … alors ma vie d’Homme ! La poussière continue à voleter autours de moi. Elle me pique de plus en plus les yeux, et voilà qu’une larme roule sur ma joue, arrive à la commissure de ma lèvre. D’un coup de langue habile, je la ...
... récupère, en goûte la salinité. Hum ! Ce n’est pas mauvais… j’en avais oublié le goût. Celui des chagrins d’enfants et ceux d’adolescent … Puis une seconde, emprunte le même chemin et va s’écraser sur la couverture du cahier vieux rose, étalé sur mes genoux. Une petite étoile se dessine sur la poussière accumulée au fils des années, faisant une tâche plus claire. Elle est rejointe par une troisième qui tombe à côté. Puis une autre, et encore une autre … et me voilà en train de chialer comme le môme que j’étais … Je pleure et ne peux retenir mes larmes … Les cahiers glissent par terre, soulèvent un nouveau nuage de poussière, et je me pelotonne, comme lorsque j’étais gamin, les bras autour de mes genoux, les talons près des fesses, je cache mon visage dans le giron des bras et mon corps est secoué de longs sanglots. J’ai l’impression de me vider, d’expulser par mes larmes tous mes soucis, tous mes tracas. Je ne sais combien de temps je reste comme ça, prostré, pleurant, reniflant, secoué par de longs sanglots quand une main chaude et douce farfouille dans mes cheveux et me fait lever la tête. La figure baignée de larmes, la respiration hoquetant sous la puissance du chagrin, je n’ai pas entendu la porte s’ouvrir. Mon père est là, le bras tendu, la main me caressant les cheveux, dans un geste qui se veut consolateur et compréhensif. — Pleure, petit, pleure … c’est bon de pleurer. Même si on dit qu’un Homme, ça ne doit pas pleurer …— Mais … comment …— Ah ! Oui … comment je suis rentré ...