1. La Tour d'Ivoire


    Datte: 12/12/2017, Catégories: nonéro, policier,

    ... serait fait un plaisir de l’éjecter de sa vie à la vitesse de la lumière ! Alors pourquoi s’était-il mis dans la tête qu’elle était différente ? Il contempla vainement le téléphone, tout en rongeant son frein. Elle ne rappellerait pas. C’était sûr, c’était logique, et c’était surtout douloureux. Quelle mouche l’avait donc piquée ? Que s’était-il passé entre ce matin et le moment où elle avait décidé de couper les ponts avec lui ? Avait-elleréellement reçu des menaces ? Instantanément, il leva les yeux sur l’enveloppe blanche qui trônait au milieu de son bureau, comme négligemment posée là. Qui s’amusait à leur coller une peur bleue ? Qu’est-ce qu’on avait bien pu lui raconter à son sujet ? Tomaze craignait de le découvrir… Il regarda encore le téléphone, sans pouvoir s’en empêcher. Et puis une autre idée, tout aussi désagréable, vint se glisser dans son esprit. Le journal. Comment pourrait-il espérer le récupérer, maintenant que Liana lui avait intimé l’ordre de ne plus s’approcher d’elle ? Il ne pouvait plus le lui laisser. Il devenait évident que c’était le journal de Diana. Et Diana ne devait pas entrer dans la vie de Liana. À aucun prix. Pourquoi, il n’en savait trop rien. Il se leva, marcha de long en large dans son bureau, se repassant sans cesse à l’esprit leur conversation. Puis le bruit d’un téléphone qu’on raccroche avec rage. Toujours les mêmes mots, toujours le même bruit. Et d’un seul coup, ses pensées dérivèrent, plongèrent ; il se souvint d’elle, de ses ...
    ... longs cheveux bruns, de ses yeux d’ange. Et de son rire. Ce long rire, saccadé et un peu nerveux, comme dans un éternel écho de sa propre souffrance. Tomaze s’arrêta brusquement, ferma les yeux. Le même rire, au bout de vingt ans, les mêmes images, la même évocation, trop intense, d’une autre vie ; celle qu’il croyait avoir enterrée à jamais. Mais les vingt années étaient bien réelles. La douleur revenait, toujours, en rythme. À chaque fois qu’il souffrait, qu’il se sentait blessé par la vie, c’est ce rire qu’il entendait, et il revoyait toujours les cheveux bruns volant dans le ciel bleu, les yeux rieurs, la bouche éclatante de vie, et le rire… le rire… Dieu, que la mémoire de cœur était une chose inutile. Dieu, qu’elle faisait mal. Il savait pourquoi la dernière chose qu’il souhaitât sur terre, c’était que Liana découvre la vérité à son sujet. Parce qu’il ne supportait pas l’idée qu’elle se mette à le haïr. Comme tous les autres. Comme tous les autres… Il pleuvait sur Paris. D’un air un peu mélancolique, l’homme à la silhouette massive contemplait la vue qui s’étendait devant la baie vitrée ; à travers les carreaux embués, constellés d’étoiles sales, la ville semblait recouverte d’un voile de grisaille infini. Puis, le silence s’éternisant, il se tourna vers le deuxième occupant de la pièce. Avachi dans un fauteuil, son éditeur affichait une expression d’intense concentration. Il tourna une feuille épaisse, la posa sur le bureau avec les autres, considéra la suivante (qui se ...
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