Trieur de souvenirs - Histoires de Sexe

Trieur de souvenirs

Un brocanteur se fait bizuter par quatre collègues lors d’un marché, en guise de bienvenue dans la grande famille. Pour les remercier, il les invite à partager un repas et à raconter leurs aventures les plus marquantes. C’était maintenant au tour de Sébastien, le propriétaire de la camionnette dans laquelle Maria et Denis s’étaient réfugiés. Il nous apprend qu’il ne fait que très occasionnellement les marchés, mais qu’il exerce principalement l’activité de « trieur de souvenirs ». Etonnés, nous lui demandons de nous expliquer ce que cache ce terme inconnu pour nous. Il nous confie alors l’histoire que voici. L’a-t-il vécue, l’a-t-il rêvée ? Je n’en ai aujourd’hui toujours pas la moindre idée… oooOOOooo La femme qui l’accueille sur le seuil de sa maison ce matin de septembre approche la quarantaine. Elle est belle, malgré la douleur qui marque son visage. D’après ce qu’elle lui a dit en le contactant, elle vient de perdre son compagnon après une courte maladie, et ne se sent pas le courage de mettre de l’ordre dans son bureau. Craignant de faire disparaître quelque chose d’important, elle s’est résolue à demander son aide, suite à la recommandation d’une amie. — Ainsi, monsieur, vous êtes trieur de souvenirs ?— C’est exact, madame. Autrefois brocanteur, j’ai éprouvé le besoin de me spécialiser peu à peu.— Et en quoi consiste exactement votre art ?— Disons qu’on me confie les papiers d’une personne disparue et que je les trie. Ensuite, tout dépend de ce que souhaitent ceux qui ...

... m’engagent. Je peux remettre l’ensemble des documents, dûment classés et répertoriés, ou ne transmettre qu’une partie de ce que j’ai trié et faire un résumé oral du reste.— Comment faites-vous le choix de ce que vous allez dire ou garder pour vous ?— C’est là que réside la difficulté, mais aussi l’intérêt de mon intervention. Mon rôle est de permettre de faire le deuil d’un être aimé, sans avoir besoin d’être confronté au détail de ses affaires intimes. J’absorbe le choc de la découverte, je réarrange si nécessaire, puis je réponds aux questions qu’on me pose.— Vous « réarrangez », mais c’est une mascarade, une tricherie, vous reconnaissez vous-même ouvertement abuser de sentiments malmenés, s’exclame la femme visiblement choquée.— Pourtant, je ne fais rien d’autre que ce à quoi beaucoup de couples s’appliquent leur vie durant. Il ne vous viendrait jamais à l’idée de fouiller les affaires de votre partenaire de son vivant. Si vous avez un doute, c’est à lui que vous demandez des explications, c’est par le filtre de ses mots que vous apprenez ce que vous voulez entendre. Je joue ce rôle pour vous, et surtout en mémoire de lui.— Vous prétendez faire du spiritisme, en plus.— J’essaie simplement de me mettre à l’écoute du défunt. Vous n’imaginez pas combien de choses on laisse autour de soi, avec l’intention inconsciente d’offrir un signe à quelqu’un. Au premier regard sur un bureau ou une armoire, tout paraît logiquement ordonné. Il n’en est rien. C’est rendre hommage au disparu ...