1. Cloé, fille de Camargue


    Datte: 10/03/2018, Catégories: Première fois

    ... Cloé était l'une d'elles et je vivais le simulacre comme si le temps n'avait pas coulé et que j'étais encore aux Saintes dans la mer, aux siècles lointains écoulés. Laquelle sera, ce soir, près du feu où rôtira sur la braise un taurillon, ma Cloé ? Celle que je regarderai, visage serein, yeux noirs. Celle que je serrerai contre moi. Celle dont la chaleur se mèlera à la mienne, se noyera dans la mienne. Qui posera sa tête dans mon cou. Tradition de Pâques en notre beau pays. Simulacre de début d'après-midi, la ferrade. Le jeune mâle court dans les herbes hautes, on sent bien qu'il cherche à échapper. Les gars montent les chevaux blancs qui trottent un peu nonchalants, un peu pas concernés, comme qui dirait décontractés, l'air de pas y toucher. Un jeune se détache du groupe, prend le galop, fond sur sa proie, sur la bête, saute à terre en fulgurance, se saisit du berceau et comme en une prise de judo retourne la tête et impose à l'animal la posture de gisant. Le garçon est couché sur le flanc et pèse sur le veau pour dominer, plus encore de son poids que de la prise sur les cornes. Le chariot arrive en nuage de poussière, manadier puissant large d'épaules sur le banc. Celui-ci saute à terre et s'empare du fer rouge dans les braises du braséro. Malgré sa stature imposante l'homme paraît agile et, immobilisant le mollet du veau de pied gauche, il applique sur la fesse de l'animal le fer grésillant qui le marque. Moi je sais que Cloé me regarde et je fais l'indifférent. L'odeur ...
    ... de peau brûlée monte à mes narines et fixera à jamais le sourire de Cloé à mon endroit. Et moi je sais que je sentirai au creux de moi pour toujours ce gros sentiment là entre mes cuissses qui fait qu'un garçon se sent exister et vivre pleine intégration au pays des garçons. Cloé, ma Cloé rêvée, part en dansant de ses fins mollets sous la jupe longue. Ses petites fesses ont capturé un pli du tissu bariolé Soleilado et dandinent tandis qu'elle marche en s'éloignant, son bouquet à la main serré contre son sein. Le soleil est déjà bas sur les marais et les herbes hautes et moi je pense à ses beaux nibars écrasés de son avant-bras. Et moi je pense à ses longues cuisses sous l'étoffe camarguaise, tout imprégnées des senteurs des herbes de Provence. Le buisson derrière lequel elle a disparu est le dernier avant la roubine qui draine le près salé. Le groupe à cheval est reparti après avoir libéré le taurillon marqué. Celui-ci s'est relevé d'un bond et à filé sans demander son reste à travers la prairie jaune de ses herbes vertes, pas encore brûlées de l'été. Moi je sais avoir sauté à terre puis marché lentement devant moi jusqu'au bord de l'eau du ruisseau et encore avoir suivi celui-ci, eau affleurante à la prairie, jusqu'à ce gros buisson d'épineux vert sombre derrière lequel il m'avait semblé qu'elle avait disparu. Cloé gisait là, bras en croix, jambes ouvertes autant que le permettait la large jupe longue arlésienne, étoile de mer perdue en herbes hautes camarguaises et roseaux ...