55.4 Après le déluge (partie 1, Toulouse – Gruissan).
Datte: 01/07/2018,
Catégories:
Entre-nous,
Les hommes,
... Tout de suite ! Ce soir je veux manger un plateau de fruits de mer ! ». L’idée de bouger de mon lit me parait inconcevable. « Je dors… ». « Bouge ton cul ! » fait elle en m’arrachant la couette. Je fais un rapide check-up de mon état physique. Verdict : je me sens toujours très fatigué, mais la migraine semble me donner un répit. « Allez, on y va ! » fait elle en attrapant l’une de mes chevilles et en tirant vers le fond du lit. « Tu me casses les… ». « Je sais, mais t’as encore rien vu… je te laisse une demi-heure… le temps de prendre un café avec tata… après je remonte avec un seau d’eau et de glaçons ! ». Je l’écoute redescendre les escaliers. Je l’entends discuter avec maman. Je n’arrive pas à capter leur conversation, mais quelque chose me dit que maman n’est pas étrangère à la venue d’Elodie. En tout cas, passé le premier moment de ce réveil un peu brutal, la présence de ma cousine commence vite à me faire du bien. L’idée de partir loin de Toulouse, de me retrouver seul avec elle, de déconner comme des fous, commence à me plaire. Je me levé, je passe à la douche ; l’eau tiède aussi me fait du bien. Je m’habille, je jette quelques affaires dans ma valise et je descends. « T’es prêt, cousin ? ». « Pas tout à fait… j’ai un truc à faire, avant de partir… je te demande une petite demi-heure de plus… ». « C’est quoi que tu dois faire ? » me demande Elodie, sans détour. « Juste me débarrasser d’un truc… ». « Et ça ne peut pas attendre ? ». « Non, je dois le faire maintenant, ...
... c’est important… ». « Ok, à toute mon cousin ! ». Pendant ma douche, j’ai repensé au maillot. Je ne peux pas le garder, mais je ne vais pas le jeter, ni le donner à Emmaüs. Ce maillot est un cadeau et il appartient désormais à son destinataire ; s’il n’en veut pas, il le jettera à la poubelle par lui-même. Je ne sais pas combien de temps nous allons rester à Gruissan ; et il y a de fortes chances que quand je reviendrai sur Toulouse, il sera déjà parti à Paris. Alors, c’est maintenant ou jamais. Oui, ce maillot a un seul destinataire possible ; m’en débarrasser, c’est un geste qui a une grande signification pour moi, un geste que je voudrais purement cathartique. Pourtant, à regarder de plus près, sous l’envie de me délester de ce symbole d’un passé si lourd à porter, dans mon geste il y a quand même l’envie sous-jacente de le retenir, ce passé ; ce geste, c’est comme une bouteille jetée à la mer ; dans mon geste, je nourris quand même l’infime espoir d’arriver à toucher son cœur. Je repense à ce regard de gosse qu’il a eu lorsqu’il l’a déplié et je me dis que ce maillot est vraiment ma toute dernière carte à jouer. Je suis parti de la maison très déterminé, mais je sens ma volonté flancher un peu plus à chaque pas ; je redoute de le croiser, car même le voir de loin me parait un effort insoutenable. Le cœur tape si fort dans la poitrine qu’il semble devoir l’exploser à chaque battement. Je me fais violence pour avancer. Lorsque j’arrive à Esquirol je suis hors d’haleine, j’ai ...