55.4 Après le déluge (partie 1, Toulouse – Gruissan).
Datte: 01/07/2018,
Catégories:
Entre-nous,
Les hommes,
... Je n’ai plus envie de pleurer, j’ai les yeux qui me font mal et chialer ravive à chaque fois ma migraine. « S’il te plait, Julien… vraiment… ». « Tu vas pouvoir conduire ? ». « Je vais essayer… ». Je m’engage dans la circulation. Très vite, je me rends compte que j’ai un mal fou à me concentrer. Je suis tellement naze que j’ai du mal à capter et à retenir ses mots, pourtant limités aux stricts besoins de la conduite ; je suis obligé de le faire répéter, souvent ; pour, au final, ne retenir que la moitié de ses instructions, n’en exécuter qu’un quart, en réussir encore moins. J’ai du mal avec les vitesses, je me mélange les pinceaux, je roule en deuxième jusqu'à faire bramer le moteur ; en redémarrant d’un feu rouge, je démarre en quatrième, je cale, je me fais klaxonner, je stresse, je transpire ; mon mal de tête devient un supplice ; Julien me dit « cligno à gauche », je mets cligno à droite ; je manque de frôler une voiture dans une file parallèle ; Julien freine à ma place, il est même obligé de toucher le volant pour éviter l’accrochage. « Nico, fais attention ! » je l’entends me lancer. Le ton de sa voix est raccord avec le regard que je sens sur moi depuis le début du cours : bienveillant et inquiet. Son attitude me rappelle soudainement celle de mon pote Thibault. Assez vite, ses instructions me font sortir du centre-ville : nous longeons la Garonne, en direction du périphérique. Je suis stressé, fatigué, en nage, le mal de crâne me tenaille ; je sais que j’ai ...
... foiré mon cours et que j’ai déçu Julien ; peut-être même qu’il va annuler mon inscription pour l’examen de septembre, car finalement je vais avoir besoin d’autres cours avant. Tant pis, je m’en fous. Rien n’a d’importance. Je n’ai qu’une envie, c’est d’être seul, et de pleurer, pleurer, pleurer. « Arrête toi, là, Nico » fait Julien, en m’indiquant l’embranchement conduisant au terrain vague au bord de la Garonne ; ce terrain où nous avons parfois fait des exercices de manœuvre et parfois discuté de choses qui n’ont rien à voir avec la conduite. Je n’ai pas envie de lui donner l’occasion de me tirer les vers du nez, mais je n’ai pas la force de m’opposer à sa demande ; je crois que s’il m’avait dit de me jeter dans la Garonne, je l’aurais fait aussi : je me laisse faire, en panne totale de volonté. « Coupe le moteur, Nico… ». Et je coupe le moteur. « Parle-moi, Nico… qu’est ce qui se passé ? » Et là, la tension qui j’ai laissé s’accumuler en moi en voulant retenir ma souffrance et mes larmes, explose d’un coup ; et je pleure, je pleure, je pleure. Julien décroche sa ceinture, puis la mienne et il me prend dans ses bras. Il me laisse pleurer, le visage enfoui dans le creux de son épaule, il me laisse pleurer sans poser des questions. « Je suis désolé… ». « Tu n’as pas à l’être… » fait-il, en posant sa main sur mes cheveux. Le contact avec son corps chaud, les caresses de sa main, l’odeur de sa peau au parfum léger du déo ; sa présence et sa bienveillance ont le pouvoir de me ...