Ophélie
Datte: 02/08/2018,
Catégories:
Humour,
... Plus le temps passait, plus elle me semblait belle et plus je me demandais si ce changement ne venait pas d'une passion naissante qui grandissait en moi. C'était improbable mais ça me paraissait la seule explication logique. Cela me troublait au plus haut point et je commençais même à ne plus penser qu'à ça : comment une fille si belle pouvait paraître si seule ?Je me souviens très bien du moment où j'ai découvert le pot aux roses même si c'était il y a un peu plus de vingt ans. C'était un jeudi après-midi de printemps et à l'heure où tous les étudiants se précipitaient mollement pour aller en cours, moi c'était Spinoza revu par Antonio Negri, j'ai aperçu sa silhouette, de dos, en train d'embrasser à pleine bouche quelqu'un avant d'aller en cours. En général, ce n'était pas trop l'usage dans mon lycée, où on considérait qu'en terminale, le roulage de pelle passionné en public avait un côté saugrenu, presque enfantin. Plus personne ne jugeait bon d'exhiber ses amours pour gagner en popularité comme un collégien et on préférait les effusions discrètes. Mais, là, quand l'étreinte longue et passionnée s'est terminée, j'ai compris. Elle n'embrassait pas n'importe qui. Elle embrassait Ondine. Mon ex, donc. Et le côté démonstratif de l'effusion affichait à la face du monde leurs amours de filles. Et, crois moi, ce n'était pas une chose si commune il y a 20 ans dans un lycée à la fois fort bourgeois et de province.Le geste avait une certaine classe et pas mal de cran. Il faut ...
... l'avouer. Je confesse néanmoins qu'il m'a beaucoup troublé parce que la conversion saphique de mon premier amour me fit assez vite me poser des questions sur ma virilité. J'ai du gamberger une bonne petite semaine avant qu'Ondine ne m'invite à prendre un pot au café et qu'on ait l'occasion d'en discuter.- Je suis vraiment désolée pour l'autre fois, j'aurais vraiment voulu t'en parler avant, que tu ne l'apprennes pas comme ça ...- Je t'avoue que moi aussi.Ma réponse aussi sèche qu'elle était, se trouvait accompagnée d'un grand sourire. Je ne pouvais lui en vouloir et à la réflexion, j'avais accepté son homosexualité mais, bon, on ne se refait pas, quand on a le sens de l'humour noir, une telle réplique digne d'un film, il fallait la faire.- Mais Ophélie a vraiment insisté sur le moment et, puis bon, fallait que ça sorte.- Oui, j'ai vu. En tout cas, c'était courageux. C'est bien, ça a du décoincer quelques connards à l'esprit bien fermé.- Je suis contente que tu ne te fâches pas. Tu le prends bien, donc ?- Ben oui, je suis heureux pour toi. En même temps, je vais pas te mentir, ça me fait me poser plein de questions sur moi. Est-ce que c'est moi qui ai pas su faire ce qu'il fallait pour te rendre heureuse ou autre chose ? Ou est-ce que c'est toi qui a trouvé ta voie et que toute façon on ne serait allé nulle part ensemble.- Ah, tu sais, Henri, on ne choisit pas vraiment ... J'aime les filles, je crois que c'est comme ça. Et puis surtout j'aime cette fille. Ophélie est vraiment super.- ...