Première neige (1)
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
Divers,
Cet étrange sentiment de solitude me poursuit, et j’erre, pareille à une âme en peine. Le temps est à la neige, le ciel bas reste chargé de ces nuages caractéristiques des jours d’hiver. Au dehors, sur le lac qui commence à geler, quelques oiseaux de couleur sombre, vraisemblablement des corbeaux, marchent d’une allure pataude et malhabile sur ce tapis d’une blancheur immaculée. J’accomplis de manière machinale les quelques corvées inhérentes aux jours froids. Aller chercher des bûches pour la cheminée, préparer mon repas, passer l’aspirateur, refaire mon lit, enfin les tâches quotidiennes. Je suis seule depuis ce mardi matin et mon mari est parti pour sept jours. Sept longues soirées, sept fois vingt-quatre heures à attendre son retour. Comme à chacun de ses départs, rendus obligatoires par sa profession, je me sens tellement de vague à l’âme qu’il me faut au moins deux jours pour reprendre un semblant de vie normale. Nous avons trente et une années de vie commune et c’est toujours pareil, alors qu’en souriant, souvent il me dit que je devrais être habituée depuis le temps. Mais rien, ni personne n’arrive à me raisonner dans ces instants-là, où j’ai l’impression que ma vie bascule, que le vide qu’il laisse en partant est impossible à combler. Alors je me jette à corps perdu dans le grand nettoyage d’hiver, en astiquant toutes les pièces du chalet, sans ordre précis, juste pour tuer ces heures qui doivent bien avoir soixante-dix minutes chacune. Après je ne sais combien de ...
... va-et-vient, j’ai le sentiment que j’ai faim, bonne maladie en soi, et levant les yeux sur l’horloge comtoise dont le cœur bat dans le salon, je m’aperçois que l’heure du déjeuner est plus que largement dépassée. Je me rends à la cuisine, j’ouvre le réfrigérateur, y cueille un morceau de fromage, auquel j’associe un croûton tout juste sorti de la huche à pain. Je fais passer un café et le tour est joué. Je mange parce qu’il le faut, sans vraie envie, sans appétit. Par la porte vitrée qui donne sur la terrasse, je vois que les premiers papillons blancs commencent à voleter dans l’air, descendant de loin là-haut sur l’autre versant de la montagne. Le « Phény » sera blanc dans la soirée si la poudreuse continue de tomber à cette vitesse-là. Et si elle persiste à tomber de la sorte demain, c’est Gérardmer qui tout entier sera blanchi par la neige. Une pensée me traverse l’esprit et je me dis que si je ne vais pas au village aujourd’hui, cela risque d’être difficile dans les jours à venir, d’autant que tu n’es pas là pour me faire la « frayée ». Et puis j’ai toujours un peu de mal à mettre en route notre turbine à neige, surtout la première fois. Je fais le tour de tous mes placards et je note ce dont je vais avoir besoin, si d’aventure j’étais assiégée par la neige quelques jours. Je suis maintenant sur la route qui longe le lac et il fait froid, ou est-ce seulement une idée que je me fais. Mais de suivre cette route, qui est bordée par cette étendue d’eau entièrement figée, me ...