Natasha & Franck (1)
Datte: 12/09/2018,
Catégories:
Transexuels
Ce jour-là, au volant de mon véhicule d’un jaune reconnaissable à des lieues à la ronde, sur un petit chemin caillouteux je longeais une grande forêt. Je devais délivrer quelques lettres dans quatre ou cinq maisons avant de tourner sur un plus petit chemin en terre qui rentrait sous les conifères. Lorsque j’étais pressé et me prenais pour un pilote de rallye, un panache de poussière se soulevait dans mon sillage ; mais là, j’avais tout mon temps. Quelques kilomètres à rouler sous les arbres, bien au frais, pour accéder à une propriété vraiment isolée. Dans tous les villages alentour, il y avait des résidences secondaires. Soit des gens ne venant que l’été, soit d’autres vivant plus près et profitant des week-ends ou des jours fériés pour venir se relaxer. Des « prend-l’air », comme on les appelait. Puis, au fil des années, certaines maisons – même très reculées – furent habitées à temps complet. Il fallait bien reconnaître que le cadre était magnifique : moyenne montagne avec beaucoup de forêts, tout en étant assez proche de la ville. L’été, même en cas de grandes chaleurs, l’air y était toujours respirable, altitude oblige ; et l’hiver, les amateurs de neige pouvaient en profiter. La plupart du temps je n’avais que quelques lettres que je pouvais glisser dans la boîte sans même descendre de la voiture. Cette fois, j’avais un recommandé. Je me garai devant le portail. Je klaxonnai pour prévenir de ma présence, et surtout vérifier que je ne déclenchais pas un concert ...
... d’aboiements. J’entendis distinctement deux chiens qui n’avaient rien d’agressif dans leur manière d’aboyer et n’étaient de toute évidence pas à l’affût derrière le portail. Puis ce fut une voix éloignée et féminine : ─ Qui est-ce ? ─ Bonjour, c’est le facteur. J’ai une lettre recommandée ! ─ Vous pouvez entrer, les chiens sont attachés. Je descendis un vieil escalier en pierre menant à la maison en contrebas, une vieille ferme retapée quelques années auparavant par un couple tombé sous le charme de la région un été, mais qui avait vite déchanté… quand la bise fut venue. Je ne connaissais pas l’actuel occupant ; je ne l’avais aperçu qu’une ou deux fois, et ce n’était qu’une silhouette brièvement reflétée dans mon rétroviseur. C’était au tout début, juste après qu’il ait emménagé. Une personne de 25-30 ans, assez fluette, qui semblait rechercher le calme. Je réalisai que c’était la première fois que je trouvais le destinataire à son domicile pour une remise contre signature et que j’étais incapable de dire exactement depuis quand il vivait ici, tant il était discret. Trois ou quatre ans, peut-être. D’après le courrier que je voyais passer, ce devait être un artiste, mais je n’en savais guère plus. Je descendais en essayant de localiser d’où venait la voix qui m’avait appelé. Enfin j’aperçus sous les frondaisons de quelques tilleuls mon interlocutrice remontant dans ma direction. Elle était simplement vêtue d’une jupe écossaise et d’un débardeur noir. Pas frileuse, la fille, même si ...