Une violence trop ordinaire
Datte: 02/10/2018,
Catégories:
médical,
uniforme,
humilié(e),
nonéro,
mélo,
... ?— …— Ne craignez rien : vous êtes en sécurité ici, nous sommes à l’hôpital. Je suis le médecin de garde.— …— Vous nous avez beaucoup inquiétés ; les sapeurs-pompiers vous ont amenée dans un état préoccupant, mais maintenant vous allez pouvoir guérir et vous reconstruire.— …— C’est normal que vous ne puissiez pas bouger : vous êtes presque entièrement plâtrée. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a aucune atteinte de votre système nerveux et que vous allez pouvoir récupérer toutes vos fonctions motrices. Il faut vous reposer, nous veillons sur vous. * * * Combien de temps ai-je passé ainsi, manipulée comme une marionnette par des aides-soignants, des infirmières, des médecins ? Les jours passent ; je n’ai pas de visites. Ma famille ? Je n’en n’ai plus. Mes amis ? Ils ont tous été « éloignés » par…lui. Je ne parle toujours pas. Un psychiatre est venu me voir pour tenter de communiquer, vu que je n’ai « aucune atteinte cérébrale ». Il a été très gentil mais je ne parle toujours pas. Les personnels de l’hôpital ont pris l’habitude et me posent uniquement des questions auxquelles je peux répondre par oui ou non en remuant la tête. Quand j’ai vraiment besoin de quelque chose, j’écris sur une ardoise avec un feutre effaçable. Mes plâtres ont disparu, signe que plusieurs semaines, voire plusieurs mois ont passé, mais je n’en n’ai cure. Un kiné vient me faire faire des exercices mais je ne vois pas l’intérêt de recommencer à bouger : pour aller où ? Dans ce lieu sordide où j’ai ...
... vécu un calvaire ? Je n’ai nulle autre part où aller. Je ne veux pas que mon corps soit réparé. Pourquoi le réparer ? Pour permettre à mon bourreau de le briser à nouveau ? * * * Un jour, la porte s’ouvre ; une de mes infirmières entre, un grand sourire plaqué sur son visage fatigué. — Il y a une surprise aujourd’hui… minaude-t-elle en s’affairant dans la chambre. Elle s’approche de moi, une brosse à cheveux dans une main et un miroir dans l’autre. Je détourne la tête : j’ai déjà vu mon « visage », un entrelacs de cicatrices. Certes, je ne suis pas complètement défigurée, mais ce réseau de cicatrices me rappellera désormaisad vitam æternam ce qui m’est arrivé ; alors, si je peux éviter de le croiser trop souvent dans une glace… Elle abandonne, dépitée, mais me fait un clin d’œil quand on frappe à la porte. Elle ouvre, ignorant superbement mes folles dénégations de la tête. L’homme qui entre n’a rien d’avenant, il est même l’austérité incarnée. Son crâne rasé, sa taille et sa masse occultent toute la porte et me font paniquer. Derrière lui, un jeune homme fluet, coiffé en bataille, entre à son tour. Mon infirmière me les présente : le lieutenant D. de la police judiciaire, et Maître L., avocat au barreau. Elle m’informe également qu’ils ont été mis au courant de mon incapacité à communiquer et agiront en conséquence. * * * Je sors de cet entretien épuisée, mais j’ai appris plein de choses : 1) Il ne nuira plus… à personne. Il a été victime d’un accident au cours de son ...