1. Fresque divine


    Datte: 02/12/2018, Catégories: fhh, religion, cérébral, revede, Oral pénétratio, lettre, délire, lettres,

    Cher Louis, Nous sommes arrivés il y a trois jours après un long et fastidieux voyage. Je te passe les détails du déplacement, l’ennui mortel de la voiture et des paysages autoroutiers à l’infini, la mornitude de l’avion et ses nuages immobiles. Arrivés à l’aéroport, il nous fallait encore passer la barrière de la langue et celle du contrôle des passeports, pour obtenir le tampon précieux sésame de notre séjour à très long terme en terre étrangère. Les képis des policiers sont immenses et d’un coup l’impression gagne en tendant ses papiers d’identité de vivre un film de la guerre froide, tandis que le fonctionnaire tire sur sa cigarette. Pas à pas je découvre ce pays qui va être le mien durant plusieurs années, écoutant les sons d’une langue que je ne connais pas encore et qui pourtant doit devenir la mienne. Tout ici est tellement en contraste ! J’ai le sentiment constant d’une société se heurtant en elle-même sur une multitude de lignes de front, nouveaux riches et extrême pauvreté, insignes communistes d’une voûte vernissée sous laquelle passent les 4x4 aux vitres fumées. Tu marches dans la rue et partout s’étalent les insignes de l’extrême richesse tandis que de loin en loin tu croises des gens dont les dents pourries émaillent les sourires. La faucille et le marteau témoignent d’un passé idéologique qui s’inscrit dans la pierre des constructions, dans l’ordonnance symétrique de la ville et les grands ensembles d’habitations. J’ai quitté le groupe pour arpenter la ville ...
    ... seule et en humer l’air, passant par les souterrains pour traverser les rues et, devant des marchandes à genoux proposant quelques fleurs et graines à croquer, dépassant des jeunes assis sur des bancs et buvant les plus énormes bières que tu pourrais imaginer. Il y a là une image vraiment étrange pour nous Européens, que ces filles magnifiques, apprêtées comme nous le serions pour une soirée exceptionnelle, cheveux lissés et escarpins, ongles peints et fards ostensibles, buvant à une canette le breuvage âcre en compagnie de leurs amis masculins dont la figure slave recèle moins de charme que celles de leurs compagnes ! Tu me manques. À chaque coin de rue, à chaque exclamation et à chaque curiosité. À chaque instant, je regrette ton absence. Hier soir j’ai accepté de partager avec mes compagnons d’expatriation quelques verres de vodka locale. Ils sont pour la plupart sympathiques, tournés vers leur famille restée en France ou obsédés des problèmes de l’école française sur place pour leurs enfants. Je m’ennuyais un peu, pensant à cette lettre que je voulais t’écrire. Je n’ai pas voulu envoyer de mail. Je voulais sentir la plume crisser légèrement sur le papier un peu épais, promener ma main et en sentir le grain et l’odeur en notant les premières impressions, lettre à lettre composer ton nom chéri et estampiller l’enveloppe d’un timbre en l’humectant légèrement d’un discret coup de langue. L’un de mes compagnons, entre deux âges, a plaisanté de ses aventures nocturnes. Chaque ...
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