Les fantasmes d'un timide
Datte: 18/03/2019,
Catégories:
fh,
inconnu,
train,
cérébral,
amourcach,
Selon son habitude, il s’était couché tôt : d’ailleurs il était fatigué de son voyage nocturne, de sorte que les images qui traversaient sa tête avaient perdu de leur cohérence. Il voulait entrer dans le sommeil et le rêve, mais cela ne venait pas. Le souvenir de cette femme qu’il avait croisée le hantait, de sorte que son cœur hésitait entre espoir fou de la revoir et regret d’être resté distant. Ils avaient passé une partie de la nuit ensemble, dans un vieux compartiment qui sentait le plastique chaud et le tabac. Pour voyager, il ne réservait jamais de couchette, car de toute manière il savait qu’il ne dormirait pas. Était-elle belle ? Assurément, pour lui elle l’était ; mais un témoin impartial n’en dirait peut-être pas autant. Comment la décrire physiquement ? Soudain, il lui apparut qu’il n’était pas capable de le faire d’une manière objective. Il pensait se souvenir d’elle, mais l’avait-ilbien mémorisée, ou son cerveau avait-il reconstruit d’elle une image idéale, conforme à ses attentes mais trahissant la personne réelle ? Par exemple, quelle était la couleur de ses yeux ? Craignant de croiser son regard, il n’en avait aucune idée. Était-elle grande, petite ? De taille moyenne, dans doute. Par contre, sa chevelure avait marqué sa mémoire : brune, coupée court. Et ses pieds, aussi : blancs, petits, dans des sandales dont l’été encourageait le port. Cette partie du corps l’attirait bien plus que les seins et avait l’avantage indéniable de pouvoir être observée sans ...
... attirer l’attention, en faisant semblant de regarder par terre. Maudite timidité ! À bientôt quarante ans, il n’avait jamais osé franchir le pas. Comment dire à une femme – dont il admirait pourtant la beauté – autre chose que des banalités, dans l’espoir qu’elle fasse le premier pas ? Même en y mettant toute sa bonne volonté, il n’y parvenait pas. Pas de miracle : qu’un être féminin se dirige vers lui et lui propose ce que deux êtres qui sont proches peuvent pratiquer dans l’intimité, cela ne s’était jamais produit. Il ne parvenait pas à s’en accommoder. Il lui fallait satisfaire seul les besoins sexuels que son corps exprimait avec force, ce qu’il faisait en songeant à ces créatures tellement belles, aussi inaccessibles que pouvaient l’être le mystère de Dieu, l’origine ultime de l’Univers, la nature réelle de l’énergie sombre, et tout cela réuni. Les couples, qui font l’amour comme on prend son repas, lui semblaient des gens extraordinaires vivant dans un monde merveilleux tapissé de baisers et de tendresse, où l’on cueille des orgasmes partagés et succulents comme des pommes dans un verger. Qu’aurait-il pu, et dû lui dire ? Plusieurs fois il retourna cette question et il envisagea différentes réponses, en se reprochant amèrement de n’en avoir tenté aucune. —ooOoo— Premier scénario : cela aurait nécessité un sérieux coup de chance, comme un retard important, une immobilisation prolongée du train. — Mesdames, Messieurs, message de votre chef de bord, votre attention s’il vous ...