Les émois de Valériane - 1/3
Datte: 22/06/2017,
Catégories:
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init,
... Bientôt, je ne l’écoute plus que distraitement. Suis-je venue là pour entendre telle épître ? Au fait, pourquoi suis-je venue ? Si je n’étais pas aussi énervée, je crois que je m’endormirais. Je m’attendais à tout, sauf à cela et m’en trouve très agacée. Deux fois encore sa jambe frôle la mienne et deux fois, il la retire tout aussitôt. Je constate qu’à présent, il fixe, tout en poursuivant sa péroraison froide comme la lecture du Code pénal, deux vieilles, trente-cinq ans au moins, les dévore des yeux et n’hésite pas à leur adresser de discrets sourires. Il s’anime jusqu’à lever son verre à leur santé. Ce comportement m’humilie si cruellement qu’à mon tour, faisant fi de toute discrétion, j’applique ma cheville contre la sienne, ne serait-ce que pour lui rappeler mon existence et exaspérée au dernier degré, je lui lance : — Elles vous séduisent ces rombières ? Ce n’était pas la peine de me décorer ainsi pour ne couver qu’elles de vos yeux. Il se recule sur sa chaise et, tétant son verre, rêvant tout éveillé, d’une voix basse et onctueuse, il susurre : — Ces prétendues rombières qui excitent votre imaginaire sont de dignes bourgeoises en recherche de succédanés à leur ennui, mais qu’entendez-vous, pauvrette, à ces mystères ?— Cessez donc de me traiter comme une gamine.— Je vous traite de jouvencelle ainsi qu’en votre for intérieur, vous me qualifiez d’aïeul ou de grand-père, à la seule différence que j’ai l’honnêteté de le déclarer. Quant à ces somptueuses personnes, (il ...
... insiste beaucoup sur personne) constatez-le, elles exposent tous les charmes d’une maturité épanouie. Regardez l’extravagance de leurs décolletés et comprenez qu’ils sont tremplins aux plus voluptueuses imaginations, à tous les vertiges de la chair même si cette dernière est quelque peu trop grasse. Voyez leurs lippes, ces lèvres vermillon et goulues prêtes à accorder d’extravagantes gâteries ! Il marque une pause, et retire placidement sa cheville qu’il avait laissée au contact de la mienne, frémissante de cet attouchement prolongé, tandis que je m’irrite toujours davantage. Me blâme-t-il, avec ce tact dont il est familier, de mes rebuffades de l’autre jour ? Se redressant sur son siège, prenant un air railleur, il conclut : — Tant de choses que vous ne pouvez imaginer et qui vous échappent encore, fillette… puis changeant brusquement de ton, seriez-vous jalouse ? À ce moment, je le déteste de toutes mes forces et soudain, excédée, sans que rien ne me le laisse prévoir, j’exige : — Embrasse-moi ! Qu’est-ce qui m’a pris ? Je ne suis plus rougissante, mais écarlate, pivoine quasiment. Comment ai-je pu lâcher ces deux mots ? Et pourquoi le tutoyer ? Quelle ignominie et quelle honte ! Quelle tentation me jette ainsi dans ses bras ? Il ne m’attire en rien… mais suis-je, de ce rien, si bien assurée ? Quelle est donc cette sourde envie qui me consume, née à l’allumette des frustrations que m’a infligées Thomas et embrasée par celles auxquelles il m’a soumis lui, tout au long de ce ...