1. Ainsi qu'en un bois noir


    Datte: 23/04/2019, Catégories: fh, Collègues / Travail amour,

    ... d’autant moins que l’heure du déjeuner approchait. Tout ce bazar amusait Armand. Il n’entendit pas la porte qui s’ouvrait puis se refermait et il sursauta, en se retournant, de se retrouver face à face avec Catherine qui se tenait là, figée, immobile avec dans le regard un mélange d’angoisse et d’espoir. Armand ne l’avait jamais vue aussi belle. Elle n’osait pas faire un mouvement. Elle ne disait rien. Le cœur d’Armand s’emballa un peu, ses mains tremblèrent. Il entrouvrit les lèvres, mais aucun son ne vint. Alors il s’approcha de Catherine toujours figée, terrorisée même. Il fallait faire quelque chose. Ils se regardaient au fond des yeux, comme si les souvenirs communs de plusieurs vies leur revenaient en mémoire. Ni l’un ni l’autre n’avait jamais pensé qu’un regard d’une telle intensité fût possible. Ils ne voyaient plus rien d’autre que leurs yeux. À tâtons leurs mains se trouvèrent. Leurs doigts se mêlèrent, se démêlèrent, plusieurs fois, puis lentement leurs bouches se rapprochèrent. Longuement, ils s’enlacèrent, s’embrassèrent, restèrent ainsi serrés, en silence. Une heure avant, Armand éprouvait des sentiments contradictoires d’attirance et d’indifférence pour Catherine/« Être aimée » ; maintenant, ils étaient unis par une passion incommensurable scellée par ce regard. Cette histoire avec Cécile qu’il cherchait à reproduire s’était effacée de sa mémoire ; disparu, son fantasme sexuel. Ils se serraient l’un contre l’autre avec le désir fou de ne plus faire qu’un. Ils ...
    ... sont restés ainsi longtemps, immergés l’un dans l’autre. Incapables, ni de se séparer, ni de s’unir plus intimement, ni de prononcer la moindre parole. Et lorsqu’ils se quittèrent pour retourner chacun à sa vie légitime, ils ne s’étaient rien dit. Le lendemain, chacun d’eux se demandait si la journée de la veille n’avait pas été rêvée. Aux archives, Armand prenait des dossiers à gauche pour les poser à droite, sans raison, mécaniquement, incapable de concevoir ce qu’il pourrait dire ou écrire à Catherine, encore halluciné par cette étreinte inexplicable. Lorsque Catherine entra pourtant, l’évidence fut lumineuse, comme la veille. Armand s’approcha et verrouilla la porte, puis il conduisit Catherine dans la réserve, une pièce aveugle, encombrée d’un fatras d’objets et de meubles au milieu duquel trônait un vieux canapé qui avait jadis accueilli les visiteurs de la direction de l’entreprise. Ils n’avaient toujours pas échangé une parole. Catherine se laissa faire comme une débutante. Armand la déshabilla en tremblant comme un débutant. Il la couvrit de caresses, de baisers, comme s’il avait été impérieux qu’il découvrît chaque saveur, chaque odeur, chaque petit coin de peau dont la caresse déclenchait le plaisir de sa partenaire. Même avec son mari, Catherine ne s’était jamais abandonnée complètement comme elle le fit entre les bras d’Armand. Même son mari, elle ne l’avait jamais envahi comme elle le fit avec Armand, sans retenue, s’enivrant du goût de sa peau, de ses parfums, ...
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