1. La Faille


    Datte: 23/06/2019, Catégories: fh, Collègues / Travail nonéro, sf,

    ... j’aurais eu la même à ta place, mais laisse-moi…— T’expliquer ? Oh, t’inquiète pas, va, c’est très clair. Simplement, Franck, pourquoi refuser d’admettre que tu voulais juste tirer ton coup et te barrer en douce après ? Tu me prends vraiment pour une conne…— Non, pas du tout ! Je…— Alors tu t’inventes un prétexte pour expliquer tes états d’âmes. Mais pas n’importe lequel, une véritable énormité ! Et moi, je suis assez stupide pour vouloir y croire et passer trois heures à la chasse au Dahu. Comme quoi, plus c’est gros, plus ça passe.— …— Et, comme si ça ne suffisait pas, te voilà soudain extralucide ! Bien joué, Franck ! claironna-t-elle, les yeux emplis de larmes. C’était mort, pas moyen de la raisonner… Que devais-je lui dire, à présent ? Lui parler de ma rencontre avec mon alter-ego et de notre virée au pied du barrage, en 2013 ? Autant signer moi-même ma fiche d’admission en asile psychiatrique ! Elle ne me laissa pas le temps d’improviser une explication plus satisfaisante. Karina éteignit son PC, reprit ses affaires et me planta là, sans un mot. Je la regardai partir, les bras ballants. C’était inutile de lui courir après, je n’arriverais qu’à m’enfoncer un peu plus. Je ne pouvais pas lui en vouloir, si je n’avais pas failli être désintégré lors de l’éventrement du barrage, moi non plus je n’aurais pas cru un mot d’une telle histoire ! Il n’en restait pas moins vrai que Karina n’avait pas trouvé la moindre faille sur ce maudit contrefort, ce qui, du coup, ramollissait ...
    ... quelque peu mes certitudes. Et si ce que je croyais avoir vécu hier après-midi n’était que le produit de mon imagination débordante, dopée par les effets de l’alcool et du stress de ces dernières semaines ? oooOOOOOooo Je rentrai chez moi, abattu, les épaules voûtées sous le poids du découragement. J’étais horriblement frustré de ne pas avoir pu m’expliquer auprès de Karina. Comment se satisfaire d’en arriver à passer pour un salaud afin de ne pas être pris pour un dingue ? Ma vie si rangée déraillait totalement depuis la veille ; je passais par tous les stades, oscillant entre des hauts et des bas dignes d’un manège de foire. Installé sur le sofa du salon, je décidai de laisser le sommeil m’emporter, pour fuir ces pensées accablantes pour quelque temps. La fatigue de cette quasi nuit blanche me cueillit presque aussitôt, et je m’endormis sans m’en rendre compte… — Franck ! Hé, ho ! J’entendais une voix ténue, fantomatique, m’appelant dans le lointain. Je refusais pourtant d’ouvrir les yeux, m’accrochant au bien-être de ce sommeil réparateur et apaisant. La voix se rapprocha, devenant plus concrète, plus insistante. Deux mains m’empoignèrent fermement par les épaules et me secouèrent avec brutalité. J’ouvris les yeux et je vis Franck 2034, face à moi. Bien qu’il fut rouge de colère et vociférant, j’eus l’impression qu’il était plus vieux et plus frêle que lors de notre dernière rencontre. — Mais bordel, comment as-tu pu foirer comme ça ? Tu n’as rien réussi à changer du tout ! ...
«12...567...»