1. Boîte Vocale


    Datte: 12/12/2019, Catégories: fh, jeunes, Collègues / Travail amour, nonéro, mélo, policier, québec, coupfoudr,

    ... Pas de maman qui vient te chercher aujourd’hui ? J’ai une moue faussement triste. Elle rit. — Eh non. Faudra que je marche.— T’habites dans quel coin ?— Pas loin du métro Préfontaine.— Ah ! Hochelaga ?— Presque, plus haut, sur Sherbrooke.— Okay. Ben écoute, je peux t’amener si tu veux. J’habite par là.— Non, non, ça va.— Je t’assure, j’ai tout mon temps. Je lui sors mon plus beau sourire. Celui que j’espère franc et vrai. — T’es sûr ? Ça te dér…— Si je propose… Elle rougit un peu, se mordille la lèvre inférieure. — Bon, okay.— Parfait. Ensemble, on rejoint le stationnement. — C’est quelle, ta voiture ?— Celle-là. Je lui pointe une vieille Chevrolet Malibu, carrée comme un char d’assaut. Une 1981. Un bijou, mon bijou. Retapé à neuf, à l’époque où j’avais moins de sang sur les mains. — Ça paraît pas, mais il y a lecteur CD intégré. Je lui fais un grand sourire, sort mon petit machin de plastique et appuie sur le bouton. Les portes se déverrouillent avec un bip. — Ça, c’était de série, à l’époque, je suppose ? Elle désigne mon bout de plastique. — Bah ! J’ai fait des modifications, on va dire.— C’est ça oui… Le sourire moqueur, les yeux qui rient. Enchanteur. Merveilleux. Frais. Tellement frais. Tellement loin de ce que je suis. Moi, blasé, essayant d’éviter les journées ensanglantées comme on essaie d’éviter les bouchons au matin. Je me déteste. Et je la trouve extraordinaire. « Putain de dieu. Faut que je démissionne maintenant. » J’ai pensé ça en allant lui ouvrir la ...
    ... portière. Je contourne ma voiture, admire la peinture mate, sans éclat. Puis je m’installe à ses côtés. Sur les larges banquettes d’époque, on est plus proche qu’on pense. Bizarrement, elle est loin de la portière. Presque trop près du bras de vitesse. Je n’ai pas l’habitude d’approcher les gens normaux. J’approche les putes ou les salauds, comme on approche un cousin. Et bien souvent, après avoir tendu la main, je tends le poing. Je me dégoûte. Je fais démarrer la voiture et jette un coup d’œil à ma passagère. Elle observe l’habitacle. Remis à neuf, brillant, chromé. Le soleil de fin d’après-midi glisse sur la vitre et sur sa peau tannée. J’agrippe le levier de vitesse, passe la première. — Alors t’habites à Hochelaga ?— Mouais. On peut dire ça. Je connais pas mal le quartier. Elle me regarde, interloquée. — J’y ai vécu longtemps et j’ai encore pas mal de relations, là-bas. Carolina hoche la tête en ayant l’air de ne pas me croire un seul instant. — Quoi tu me crois pas ? Haussement délicieux de sourcil. Un petit air moqueur. — T’as trop de classe pour vivre à Hochelaga. J’ai failli éclater de rire. — Je l’ai inventé, ce quartier-là !— Mais bien sûr ! Elle me flatte la joue, l’air de me prendre pour un enfant qui invente encore des histoires. Ça me surprend, me brûle. Ce n’est pas une gifle, un crachat, un coup, une manière de me mettre à ma place ou de me menacer. C’est doux, calme, amical. Je garde mon calme en ricanant comme un imbécile. — Je mangerais bien un club sandwich ...
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