Le concert - Histoires de Sexe

Le concert

... vous a fait défaut ? Juliette parut hésiter. — Je crois qu’on a jugé mes natures mortes trop académiques.— Ah, en effet, c’est embêtant. Voyons cela. Continuez à peindre sans vous occuper de moi. Je l’observai un petit moment tandis qu’elle peignait la corbeille. Presque une minute passa durant laquelle je passai d’un côté à l’autre de Juliette, faisant mine d’apprécier sa manière de faire. Juliette, nullement troublée, ne s’occupait pas de moi. — Je vois bien où est le problème, fis-je alors sans savoir dans quelle direction je me dirigeais.— Ah bon ? fit-elle simplement.— Vous faites une copie de ce que vous voyez, à savoir une corbeille de fruits. Rien ne vous intéresse dans la corbeille, rien ne vous inspire. Ce n’est qu’une corbeille. Et donc vous la jugez comme telle, de votre point de vue rassurant. De votre place, en retrait… Juliette s’arrêta un moment et me regarda. — Je ne vois pas bien ce que vous voulez dire, monsieur, fit-elle.— C’est bien simple, mademoiselle Delporte. Il faut vous bousculer un peu. Vous chahuter. Vous faire changer d’état d’esprit. Laissez-moi essayer quelque chose et restez bien concentrée sur votre peinture. Juliette suivit mes instructions et reprit son activité. Je me dirigeai alors vers la corbeille de fruits, me tournai vers Juliette, fis une grimace et revins à ses côtés. Juliette resta stoïque mais je pouvais lire dans son regard, toujours fixé sur la corbeille, un certain amusement. — Vous voyez, mademoiselle Delporte, j’ai changé ...

... quelque chose à votre état d’observatrice. Vous avez ressenti un sentiment particulier différent de celui qui vous habitait lorsque vous essayiez de reproduire fidèlement la nature morte. Et ce changement d’état, aussi léger soit-il, changera votre perception et votre manière de créer. Vous créez une œuvre d’art, ne l’oubliez pas, et votre corbeille vient de gagner en potentiel comique. Les sentiments qui vous traversent se ressentiront dans votre œuvre d’art. L’ennui rendait votre œuvre « académique », et c’est encore bien trop poli. Commencez-vous à comprendre, mademoiselle Delporte ?— Je crois, monsieur.— Alors laissez-moi continuer. Je me mis alors à plat ventre et commençai à ramper en direction de la corbeille. Juliette continuait à peindre et ne m’observait que du coin de l’œil. Je me demandais vraiment ce que j’étais en train de faire et je me dis que Juliette allait bientôt me dire d’arrêter, que c’était totalement absurde et que ce n’était pas conforme du tout à son fantasme. Ce ne fut pas le cas. Juliette resta ancrée dans son personnage. Je me relevai et fis mine de prendre une pomme avant de détourner ma main au dernier moment. Je revins derrière elle et restai un instant immobile. Puis, je passai rapidement une main devant ses yeux. Je refis le tour en frappant dans mes mains. Tout ceci était absurde. — Vous voyez, je tiens à vous déconcentrer, à vous surprendre. À tout faire pour que votre état émotionnel varie. Je revins derrière elle et posai mes mains sur ses ...