1. Soir de novembre


    Datte: 18/02/2020, Catégories: Première fois

    ... bruns aux épaules. Vêtements relax. Ni grande, ni petite, ni grosse, ni maigre. Taille normale. Seul point à signaler : des yeux qui me semblent un brin tristes. « Ne sois pas surpris, » dit-elle. « Je t'avais aperçu alors que tu sortais du collège : nous attendions le même feu vert. Je croyais que tu allais te réfugier dans l'abribus à attendre le prochain passage de l'autobus. J'étais loin de me douter que tu te taperais une si longue marche par un temps si maussade. Je suis allée faire une petite course et là, en tournant le coin, je t'ai reconnu par tes vêtements. Et je me suis dit que c'était bien dommage qu'un beau jeune homme soit obligé de faire face à un temps si rude. » Beau jeune homme. Il y avait quelque chose d'étrangement envoûtant dans ces mots. Je ne suis plus le beau garçon que vantait sa maman. Et sans que je sois laid, je ne suis pas un Adonis. Je me crois pas mal. Sans plus. Et voilà qu'une femme, qui n'est ni ma mère, ni une tante, dit que je suis beau. Compliment machinal, sans doute. Un geste de pure gentillesse gratuite. « Je ne cours pas les rues à chercher les beaux jeunes hommes. Mais je faisais quelques courses ce soir. Et mon petit côté bonne Samaritaine a pris le dessus quand je t'ai vu. J'ai la chance d'être au chaud, au sec. Ça ne me coûte rien et ne m'engage à rien de te faire faire un bout de chemin. Alors pourquoi ne pas faire en sorte que ma voiture serve à deux personnes? » « C'est gentil. Je l'apprécie. » Elle continue, comme si je ...
    ... n'avais rien dit. « À propos, où demeures-tu? » Je lui nomme les rues proches de la maison. « Je connais l'endroit. Je t'y dépose. Mais ça t'embête qu'on fasse un petit détour avant? Je dois absolument faire le plein, et ça ne me tentera pas demain matin. » « Non, du tout. » Je ne vois aucune raison de m'opposer à cette demande. Nous sommes en ville. Il y a plein de monde autour. Je ne détecte rien de psychopathe chez cette dame. Seule la légère tristesse de ses yeux me dérange. « Je peux même me charger de faire le plein si vous le voulez, » hasardé-je. « Deux choses qui clochent dans ce que tu viens de dire. Premièrement, je vais toujours faire le plein au même endroit, où on offre le service. Deuxièmement, je m'appelle Nicole. Et on me tutoie. » « Ça me va, » dis-je, sans oser utiliser tout de suite cette familiarité que Nicole me permet. « Moi c'est Daniel. » « Enchantée, » dit-elle. Un bref instant, j'ai cru voir un peu de joie dans son visage. Au tournant d'une rue, je vois apparaître les lumières de la station-service. Nicole amène la voiture vers une pompe, l'immobilise et coupe le contact. Le pompiste arrive comme elle descend la glace. « Le plein, comme d'habitude, » dit-elle avant de la remonter. « Le même endroit depuis cinq ans, » dit-elle sans me regarder, comme si elle se parlait à elle-même. « Mon mari m'avait habituée à venir ici. Ils ont toujours assuré l'entretien de nos voitures. Quand mon mari m'a quittée, il y a deux ans, je n'ai vu aucune raison de changer de ...
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