Les Chaleurs de Sophie
Datte: 08/04/2020,
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Première fois
Je la savais espiègle, ma nièce. En tous cas je l'avais toujours vue petite fille curieuse et aventureuse. Très différente en tous cas de ses cousines de Fleurville, Camille et Madeleine. Voilà quelques années déjà qu’elle laissait pousser ses cheveux et avait quitté ce casque blond de garçon qu’elle affectionnait, autrefois, gamine. Cheveux blonds longs très clairs, très fins, maintenant en tresses. Visage encore enfantin bien qu'elle eût largement dépassé fin d'adolescence. Sans doute était-ce dû à sa silhouette élancée et menue, à la modestie de ses seins et à ses hanches androgynes. En fait non, ce qui faisait surtout sa jeunesse, c'était le regard vif et coquin qu'elle portait sur toute chose, sur le monde, toujours prête à inventer de nouvelles bêtises. J'étais venu passer quelques jours au château rejoindre mon fils Paul en vacances chez les Fleurville avec ses cousines. Pour l'heure, tous étaient partis au lac trouver un peu de fraîcheur. Moi j'étais resté sous les frondaisons pour une petite sieste. Sophie avait décidé qu'il lui fallait répéter la pièce de piano qu'elle devait jouer au soir dans le grand salon devant toute la famille réunie. Hasard, coïncidence ? Qui aurait pensé que c'était voulu que nous soyons restés seuls au château en cette sunny afternoon ? En tous cas pas moi, qui somnolais indifférent sous l'ombre des grands aulnes à peine perturbé des trilles qu'elle expérimentait dans le morceau de piano, au loin dans le salon. Je voyais bien qu'elle jouait ...
... avec les touches pour donner du relief à la mélodie classique imposée. J'aimais assez cette attitude de révolte vs la composition en faisant suivre certaines notes d’un demi-ton battant. C'était enlevé, c'était vif, c'était bien et je n'étais plus du tout endormi mais au contraire attentif à l'art d'interprète de ma jeune nièce de Réan. Le livre de Pierre Choderlos gisait sur mes genoux, ouvert à la page où Cécile défaille, facile, fille trop facile. Et je m’y étais endormi ... fat hombre, dirait Misa, incapable de concentration… Le piano s'est tu et moi je me suis approché des porte-fenêtres ouvertes sur la terrasse, comme chat indiscret animé de curiosité. La fille avait quitté le tabouret derrière son clavier et était maintenant assise sur le sofa, face à moi, dans la lumière du soleil d'après midi qui baignait la terrasse. Regard presque inexpressif bouche ouverte, bée. Sur ce canapé dans ce boudoir après-midi d'été chaude écrasée de silence. Par la fenêtre, la campagne verte herbes hautes grillées le chemin empierré et au loin le bosquet et l’étang où tous étaient partis se baigner, trouver un peu de fraîcheur. Elle, elle s’attardait … ici On aurait dit qu'elle était ailleurs, assise sur ce sofa, jambes relevées, sa robe de percale blanc aux genoux drapée, les mains serrées dessus. Ses ballerines rangées parallèles sur le plancher et ses deux pieds crispés de dix orteils sur l'étoffe au bord du canapé. Les deux tresses tombaient sur son épaule gauche. L'une plus bas que ...