1. Louise - La neige


    Datte: 13/10/2017, Catégories: fh, inconnu, froid, Oral

    ... n’ai pas la toute grande forme, parce que je suis en plein dans mes règles qui me fatiguent toujours un peu, et à cause de la semaine de travail passée avec les enfants, qui me fatigue toujours beaucoup. Je n’ai peut-être pas la carrure de maman Dolto, ou bien elle était aussi éreintée que moi en fin de semaine ! Malgré tout, ou plutôt à cause de tout cela, je jubile intérieurement de passer quelques jours solitaires dans un cocon enneigé. J’avance tranquillement dans la forêt. Il n’y a pas la moindre trace de ski, même ancienne. Le silence est profond. Je tire la langue pour essayer d’attraper des flocons, mais ce n’est pas convainquant et ça me fait loucher. Un écureuil noir traverse devant moi à dix mètres et grimpe sur un mélèze. Je saisis mes jumelles en me demandant s’il m’a vue, lorsqu’il réapparaît sur une branche et se met à décortiquer avec conviction une pomme du mélèze. Il est face à moi, et je mets un moment à comprendre que ce n’est pas un écureuil-punk, mais qu’il a ramené sa queue en cimier sur sa tête ! Manifestement, il m’observe sans se troubler. Peut-être racontera-t-il ce soir à ses petits quel drôle d’animal il a observé… Tout en devenant effectivement un animal, concentré dans deux yeux et deux oreilles, attentif à son environnement, je repense au boulot, aux enfants malades parce qu’on ne leur demande rien, malades parce qu’on ne leur donne pas de règle du jeu, malades d’être surprotégés. C’est les parents qu’il faudrait soigner. On n’en est plus à ...
    ... l’enfant-roi, on en est à l’enfant-Dieu ! Alléluia ! En même temps, dans un autre coin de ma tête, il y a un compteur qui enregistre chaque pas : un, deux, trois, quatre… Ça m’agace prodigieusement, mais je ne suis jamais parvenue à l’arrêter. Quatre-vingt-dix-neuf, cent… Là, il y a un déclic qui me fait réaliser la présence du compteur. Je parviens à l’interrompre un moment, mais il ressurgit un peu plus tard. Le paysage presque tout gris, est d’une beauté émouvante. Ces images en noir et blanc à peine colorisées en teintes pastel parlent directement à ma sensibilité. Tous les reliefs sont adoucis. C’est vrai qu’il y a quelque chose d’éminemment féminin qui me touche profondément. Quelques traces toutes fraîches marquent le passage d’un lièvre qui faisait des bonds de trois mètres. Il ne doit pas apprécier mon intrusion. Mais je ne l’ai pas vu. Dommage, j’adore cette fourrure très légèrement jaune sur la neige très légèrement violette. Il y a longtemps que l’itinéraire a quitté le chemin raide mais carrossable en été, et je ne devrais pas tarder à apercevoir le refuge, abrité sous une bosse par là, à gauche. Il est seize heures et il fait déjà bien sombre. Je suis au niveau de la limite des arbres, qui sont plus dispersés. La neige fraîche est plus épaisse, peut-être quinze centimètres. Je connais bien l’endroit pour y être venue de nombreuses fois avec mon père, et encore cet été avec le propriétaire pour faire la provision de bois. Pourtant, je suis surprise lorsqu’il ...
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